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L’œil de Judith : French Déconnexion

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2 Mar 2012
Par Judith

J’en avais entendu parler. La Meuf et Miss M avaient écrit sur le sujet, faisant part de leur expérience. Mais, je dois l’avouer, je restais assez sceptique voire même complétement incrédule. Ou, plus exactement, j’étais persuadée que ça ne me m’arriverait jamais, que j’étais bien trop forte pour être concernée. Pourtant, aujourd’hui, je ne peux plus me voiler la face. Et je me dois de témoigner pour que les générations futures sachent.
Oui, moi aussi, j’ai été brutalement frappée par le syndrome dit de la « Fench Déconnexion » (FD).

Les symptômes sont très simples et surviennent toujours lors du premier retour en France après avoir vécu plus d’un mois en Israël.  Voici une liste non exhaustive –  que je vous invite à compléter – de certains troubles qui signalent la présence du FD. Je vous propose aussi une ordonnance qui peut prévenir sa survenue. Malheureusement, je ne peux pas garantir une immunisation complète : la science a encore beaucoup de progrès à faire sur ce sujet…

Tu couves un FD carabiné si toi aussi :

Tu ne parles que d’Israël, comme un gamin de 8 ans qui rentrent de classe de nature.
Tout le monde a le droit à une évocation de ta nouvelle vie, même ceux qui ne font même pas l’effort de cacher que ça ne les intéresse pas du tout. Tu sais saisir n’importe quel prétexte pour y faire allusion. Un « passe-moi le pain, s’il te plait » se transforme en dissertation en 3 parties – thèse/antithèse/synthèse – sur les aliments panifiés, l’humidité qui modifie le levain au point que ce que certains s’obstinent à appeler « baguette » soit une injure au palais français, les halot du AM-PM comme dépannage le vendredi soir, pourquoi à Pessah on ne mange pas de pâte levée…

Tu es le Jean-Claude Van Damme de la Tayelet.
Tu racontes mille anecdotes de vie quotidienne en employant des mots hébreux pour le dire (« c’est comme le jour où on est allé dîner avec les haverim (1) sur Ben Yehuda. On en avait marre du of du heder hokhel. Ça nous a fait un bien fou de quitter la baït. Il n’y a que ma choutafa qui n’est pas venue. C’était metzouiane. Euh, comment tu dis déjà en français… ah oui, c’était génial !  »).

Assez étrangement, les mots que tu n’arrives plus à retrouver dans ta langue maternelle sont ceux qui te permettent de faire étalage de ton acquisition des gutturales si spécifiques aux langues sémitiques. En gros, tu fais ton JCVD, mais au lieu de frimer en faisant un grand écart facial pour montrer que tu es « aware », tu le fais en faisant vibrer ta glotte. A ce moment-là, tu crois percevoir une sincère admiration dans le regard de ton interlocuteur, du genre « Waouh ! Elle est quasi bilingue, en un mois seulement ! ».
Que nenni ! Ces yeux ronds comme des boules de flipper expriment en réalité:
1) de l’incompréhension (c’est quoi ces mots bizarres ? Du chinois ???)
2) de l’étonnement (oulala, c’est rocailleux comme son !)
3) de l’inquiétude (ce n’est pas la première fois qu’elle cherche ses mots comme ça. Ce ne serait pas un Alzheimer précoce ?)
4) de la pitié (ça y est, elle se la pète. Elle veut faire croire à qui qu’elle ne sait plus comment on dit « génial » ?).
Si le stade 4 est atteint, il faut vite faire marche arrière car la dégringolade peut être très rapide vers le gouffre du ridicule et du has-been. Surtout que le but de départ était de partager ton vécu intense avec tes amis, et non de les perdre définitivement.

Tu fais des soirées « come back to the shtetl ».
Tu invites tes amis français à dîner un vendredi soir pour pouvoir leur concocter un petit shabbat comme là-bas. Tu vas rue des Rosiers acheter de quoi les sustenter à grands coups de saveurs qui mélangent Israël et ton shtetl imaginaire : pastrami, blancs de dinde au paprika, brioches à la viande, strudel, gâteau au pavot ou au fromage. Tu as même prévu les halot… que, en fin de soirée, tu découpes en petites parts pour les emballer dans du papier d’aluminium et les filer à tes potes qui veulent bien un peu de « brioche pour le petit-déj de samedi ».

Pour l’ambiance musicale, tu oses même la playlist de tes morceaux préférés de Shlomo Artzi, Arik Einstein et Boaz Sharabi. Tu avais hésité à mettre la compilation 100% Klezmer. Mais tu t’étais dit que c’était un peu osé pour une première fois. Bon, au bout de deux morceaux, tu acceptes quand même qu’un des convives branche son IPod pour mettre de la « vraie musique »…

Ce n’est pas bien grave, tu es super contente de les avoir initiés au shabbat qui fait écho à ceux que tu aimes partager en Israël. Mais cette confidence tu ne leur fais pas, car tu sens déjà que sur de nombreux sujets, la déconnection est à l’œuvre.

Tu parles de religion et de spiritualité comme si tu racontais ta dernière virée à Disneyland.
Tu as beau être une grande défenseuse des valeurs laïques, fière de la loi de 1905 et intimement attachée à l’idéal de l’instituteur comme promoteur de la morale citoyenne, n’empêche que le fait de vivre à Jérusalem a saupoudré ton existence de moments sacrés, même si tu n’en as pas vraiment conscience. Une fois de plus c’est le regard incrédule de tes amis français qui mettent en lumière cette nouvelle part de ta vie.

Moi (sur le ton de « avec les enfants, on va au Luxembourg le dimanche après-midi ») : « Toutes les semaines, avant la fin de shabbat, on fait une ballade pendant près de 2 heures pour aller au Mur.
Jean Bon, un ami français : (sur le ton suspicieux de «tu n’as pas mis de saucisson pour l’apéro. Ça y’est tu t’es mise à manger casher ») : Pourquoi vous allez au Mur ?
Moi : Bah pourquoi pas ? Ça fait un but de balade et la vieille ville de Jérusalem est splendide.
JB : Excuse-moi, mais t’as pas dit que vous alliez dans la vieille ville. T’as dit que vous alliez au Mur. Il y a une nuance quand même. Et tu y fais quoi ?
Moi : Rien de spécial. Je regarde les gens. Je m’imprègne des lieux…
JB : Ça veut dire quoi « tu t’imprègnes des lieux » ? Tu ne pries pas quand même ???

A ce moment de la conversation, tu prends conscience que tu vas révéler une part très intime de toi-même si tu réponds « je me recueille », en voulant effacer le religieux derrière le spirituel. Le recueillement ou la médiation ne sont pas des activités cartésiennes, et elles n’ont le droit de cité que si tu t’es mise à faire du yoga ou que tu milites pour le Tibet libre dans la position du lotus.

Tu es désormais devenue suspecte. Alors ne vas surtout pas leur dire que tu kiffes l’ambiance des repas de shabbat, que ça te file des frissons lorsque vient le moment du kiddouch… Rappelles-toi, tu ne veux pas faire fuir tes amis !

Scientifiquement parlant, on peut analyser le syndrome de la French Déconnexion comme étant l’expression d’une difficile adéquation entre ton toi de France et ton toi d’Israël. Pour schématiser, on peut dire que le fait de vivre en Israël t’as permis de développer un nouvel aspect de ta personnalité. Pour toi, rien de bizarre là-dedans. Tu n’as pas changé ; tu as juste découvert des continents personnels inexplorés jusque-là.  Pour les autres, tu es en train de changer ; tu t’éloignes vers un autre monde qui leur est complètement inconnu. Bref : tu kiffes/ils flippent.

Alors que faire pour empêcher l’irruption du FD et transmettre à tes amis un peu de ta nouvelle vie, sans qu’ils te croient en train de développer une schizophrénie ?

1) Laisse s’exprimer la curiosité des autochtones français en répondant à leurs questions comme si tu revenais d’un trekking dans la forêt amazonienne, même si tu trouves que ta fibre bobo s’épanouie encore mieux à Tel Aviv qu’à Bercy Village.

2) Déconstruis les clichés sur Israël et Jérusalem sans prendre un air exaspéré, même si tu es au bord de l’irruption de boutons quand on te demande si c’est vrai que les femmes ne peuvent plus s’habiller comme elles le veulent à Jérusalem et que tu repenses au minishort que tu portais jeudi soir dernier…

3) Laisse persister certaines idées reçues pour ne pas trop déstabiliser les interlocuteurs, même si la célèbre rudesse des Israéliens fait désormais partie de ton quotidien au point que tu l’as toi-même adoptée, et que tu adores ça de ne plus t’excuser quand tu bouscules quelqu’un.

4) Parle du beau temps, même si tu as passé les 3 dernières semaines à te maudire de ne pas avoir glissé ta paire de bottes fourrées dans ta valise.

Bref, continue à jouer à la touriste de retour au bercail, car, dis-toi que pour tes proches c’est une façon de leur rendre ton départ plus facile. Que tu leur manques. Comme eux te manquent aussi tellement fort que tu meurs d’envie de les mettre dans tes bagages quand tu repars ou que tu rêves que, eux aussi, fassent leur alyah. Ou peut-être simplement qu’ils viennent très vite te rendre visite dans ton nouveau chez toi.

(1) Maintenant que la guérison est à l’œuvre et que j’ai retrouvé mon latin, euh mon français, voici un petit lexique à l’usage des non-initiés : amis ; poulet ; cantine ; maison ; colocataire.


 

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