La musique pop d’Israël s’émancipe

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Tel-Aviv, un samedi de décembre. Enguirlandés de loupiotes pour la fête de hanoukka, les bars branchés de Kfar Saba commencent à se remplir des premiers noctambules venus rompre le shabat. C’est là, dans ce quartier périphérique très bobo de la capitale, qu’habite Idan Raichel, véritable star israélienne de la chanson multiethnique. Longues dreadlocks relevées sous un turban noir, cachemire sombre, treillis cintré et godillots militaires : le claviériste de 35 ans a tout du néo-branché. Dans son grand studio : piano, djembé, peinture abstraite au mur, ordinateur perché sur des piles de disques en vrac, qui trahit l’homme pressé.

De retour de France, où il a présenté son projet avec le guitariste mandingue Vieux Farka Touré, et attendu en Inde le lendemain, celui qui est considéré comme le pionnier israélien de la pop cross-over surfe depuis près de dix ans sur le succès phénoménal de son fameux Idan Raichel Project : une centaine de musiciens de tous les continents, chantant dans toutes les langues, de l’hébreu ancien à l’amharique, en passant par le swahili, l’espagnol et… l’arabe, une langue longtemps non grata sur les ondes israéliennes.

Un nouveau son qui s’exporte avec succès

« Mon groupe a été le premier à diffuser de la musique arabophone dans ce pays,souligne l’artiste. Ma musique est la bande-son de l’Israël des dernières décennies, mélange d’immigrants déracinés. Aujourd’hui, les choses changent, la world devient populaire… » Mieux, le nouveau son israélien s’exporte avec succès. Car à l’étranger aussi on prête une oreille attentive à cette scène émergente : créative, prolifique et ouverte au monde, elle offre une alternative de qualité à la pop hébraïque passe-partout dominante, souvent en allant puiser dans des traditions longtemps occultées. Composée de jeunes artistes qui militent en faveur de la tolérance et prônent le respect des minorités, elle montre aussi une autre facette d’Israël.

« Même si ce n’est pas visible aux élections, ces artistes cristallisent la majorité silencieuse du pays, libérale, émancipée, plutôt de gauche, ouverte au dialogue intracommunautaire », remarque Ori Kaplan, de Balkan Beat Box, le groupe électro balkanique qu’il a cofondé à New York avec un autre expatrié israélien (1). La mixité sociale, ethnique et religieuse d’un groupe comme celui d’Idan Raichel, par exemple, commence à gagner le public : dans les festivals qui prolifèrent, dans les clubs et les salles de concert de Tel-Aviv, de Jérusalem et plus encore d’Haïfa, où subsiste une forte minorité arabe, juifs et musulmans se mélangent plus spontanément, ce qui était impensable il y a dix ans

Certes, cette mixité naissante est encore loin d’être acquise. Pour Asaf Avidan, la nouvelle coqueluche folk-rock, la fameuse « majorité silencieuse est celle des bobos de Tel-Aviv, pas des 6 millions d’Israéliens ». Fuyant cette bulle, il a d’ailleurs choisi d’habiter Jaffa, ville arabe devenue la banlieue sud de Tel-Aviv, où il prétend qu’on ne le reconnaît pas dans la rue. En revanche, le rockeur à la coupe iroquoise constate qu’Idan Raichel « a fait la transition dans un pays encore très patriotique. Moi-même, je suis le premier chanteur israélien anglophone à avoir été classé en tête des charts nationaux. L’anglais a longtemps été une langue taboue »…Lire la suite

 

 


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