L’intifada sur Facebook

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Par Micah Lakin Avni

Il y a trois semaines, mon père est monté dans un bus public à Jérusalem dans le quartier Armon Hanatziv lorsque des terroristes de Jérusalem-Est ont tiré sur lui à la tête et l’ont poignardé plusieurs fois. Alors qu’il était allongé inconscient entrain de combattre pour la vie dans l’unité des soins intensifs à l’hôpital Hadassah à Jérusalem, une question me vint à l’esprit : qu’est ce qui a inspiré les deux jeunes Palestiniens à attaquer sauvagement mon père et d’autres passagers dans ce bus ?

Mon père, Richard Lakin, a dédié sa vie pour la réconciliation israélo-arabe.  Depuis qu’il a déménagé pour Israël en venant du Connecticut en 1980, il a passé sa carrière à enseigner l’anglais aux enfants Arabes et Israéliens. Inspiré par Rev. Dr. Martin Luther King Jr dans les années 60, il est devenu un membre fondateur de « Israël aime l’Iran » une initiative sur les médias sociaux destinée à rassembler les citoyens de ces deux nations. Quand la nouvelle de sa tragédie fut annoncée, beaucoup d’habitants de Jérusalem Chrétiens, Musulmans et Juifs qui connaissent mon père et admirent son travail sont venus à son chevet à l’hôpital pour lui adresser des prières et des vœux de rétablissement. Même Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations-Unis, est venu le voir lors de sa visite en Israël.

En regardant toutes ces personnes bien attentionnées venues lui rendre visite à l’hôpital dans l’unité des soins intensifs, j’ai réalisé que les dirigeants de ce monde qui avaient le plus d’impact dans la situation au Moyen-Orient ne sont ni Mr Ban Ki-moon ni le Premier ministre Benjamin Netanyahou, mais les dirigeants Mark Zuckerberg de Facebook, Jack Dorsey de Twitter et d’autres jeunes entrepreneurs qui organisent les médias sociaux que nous utilisons tous les jours.

Il peut paraître étrange de parler de Twitter et Facebook comme des acteurs cruciaux dans la guerre contre le terrorisme, mais comme l’a prouvé la récente vague de violence en Israël, c’est de plus en plus le cas. Les jeunes hommes qui sont montés à bord du bus ce jour-là et et qui ont tenté de tuer mon père de 76 ans, n’ont pas pris leur décision dans le vide. L’un des deux était un habitué de Facebook, où il avait déjà publié la « volonté de devenir martyr. » Très probablement, ils ont utilisé l’une des milliers de publications, des manuels et vidéos d’instructions qui circulent dans la société Palestinienne depuis ces dernières semaines, comme l’image partagée des milliers de fois sur Facebook, montrant un schéma anatomique du corps humain avec des conseils pour savoir où poignarder et causer le maximum de dommages.

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Ignoblement, l’attaque de mon père, aussi, est devenue virale sur les médias sociaux Palestiniens : plusieurs heures après qu’on lui ait tiré dessus et qu’il soit poignardé, une reconstitution de l’attaque en vidéo a été mise en ligne célébrant l’épouvantable événement et appelant à ce que d’autres jeunes Palestiniens aillent tuer des Juifs. De telles images, vidéos sur YouTube et commentaires sont devenus une habitude sur les médias sociaux après chaque attaque.

Mon père m’a élevé à chérir et à protéger la liberté d’expression, mais la véritable vérité que la liberté d’expression était censée protéger est remise en cause quand elle est utilisée pour répandre le venin et inciter à la violence. Autant qu’il est universellement reconnu que des tirs de feu dans un théâtre bondé est dangereux et doit être interdit, de même, aujourd’hui on doit reconnaître que l’incitation en ligne généralisée est un danger qui doit être reconnue et pris en compte immédiatement avant que d’autres innocents deviennent des victimes.

Les compagnies qui ont rendu les médias sociaux en grande entreprise argumentent, et à juste titre, que surveiller chaque publication est pratiquement impossible, et que laisser aux utilisateurs la liberté d’expression est essentiel, et qu’il y a déjà des options en place pour combattre les discours de haine. Tout cela est vrai. Mais quelque chose de nouveau arrive aujourd’hui, et ce que Facebook, Twitter et les autres doivent réaliser est que la question de l’incitation sur les médias sociaux n’est pas simplement une question logistique et financière mais, d’abord et avant tout, une question morale.

Cette vague de terrorisme est différente de toutes celles qu’on a déjà connu, n’impliquant pas des terroristes recrutés par des organisations terroristes mais des jeunes hommes ordinaires inspirés par les messages haineux et sanguinaires qu’ils voient sur internet et qui les incitent à prendre des mesures eux-mêmes, couteaux à la main. De la même façon, qu’aujourd’hui beaucoup d’entre nous affirmons que nous devrions tenir responsable les fabricants d’armes pour les destructions qu’elles entraînent, nous devons demander la même chose des médias sociaux, qui sont désormais utilisés comme source d’inspirations et d’instructions pour commettre des meurtres.

Une solution immédiate est de retirer les incitations flagrantes à la violence et à la haine sans attendre que des personnes s’en plaignent et les dénoncent – c’est une chose d’exprimer son opinion personnelle, même une opinion qui soutiendrait des mesures de violences,  et c’est une autre chose de publier un schéma expliquant comment entraîner et recruter de futurs terroristes. Pour finir, des israéliens ont mené une action en justice contre Facebook il y a quelques jours, réclamant que l’entreprise Facebook agisse d’avantage pour supprimer les contenus inacceptables. Ma famille s’est jointe à l’action en justice en tant que plaignants. Je pense que des efforts considérables peuvent être faits par les compagnies elle-même pour inverser la courbe de la culture de haine sur les médias sociaux.

Le site de réseau social populaire « Reddit », par exemple, ne font pas que bannir les contenus inacceptables – comme les groupes qui encouragent les viols – ils mettent aussi en place des groupes spécifiques de dialogue. C’est un simple acte de civilité qui a réussi à inverser les discours les plus effroyables. Les entreprises peuvent et doivent faire plus – utilisant tous les outils qui sont à leur disposition – pour créer une culture en ligne qui ne laisse pas se propager la haine et la violence.

Malheureusement, pour mon père, c’est trop tard : deux semaines après l’attaque, il a succombé à ses blessures. Lorsqu’ils ont entendu le décès, beaucoup de ses amis – Chrétiens, Musulmans, Juifs – ont publié sa photo préférée sur leurs médias sociaux. Elle montre un garçon Israélien et un garçon Arabe, bras dessus bras dessous, avec la légende : « coexiste. »

coexiste juif et arabe

Micah Lakin Avni est exécutif en chef pour le Peninsula Group Ltd, une compagnie commerciale de fiance basé à Tel Aviv.


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