Une radio d’Israel en plein coeur de l’Iran
Il est petit. Tout petit. Il ne paye pas de mine. Je le croise chaque matin. Je viens d’emménager dans le sud de Tel Aviv. Le quartier iranien des vendeurs de cacahuètes, de pistaches. Je vois des pères, des fils, des grands-pères assis sur leur chaise, les deux mains sur leur canne. « C’est un métier venu d’Iran » me dit-on fièrement. Des produits cultivés sur les plaines, là bas, quelque part, non loin de Téhéran.
Il s’appelle Kami. Kami Itzhakian. La cinquantaine, les yeux rieurs. Téhéran : sa ville natale. Un iranien à Tel Aviv. Un juif iranien. Tous les matins, il me salue avec son accent insolite. « C’est le patron de la radio » m’a dit un jour le vendeur de jus de fruits frais, son voisin.
Quelle radio ? Ici une radio ? Alors je suis allée voir, curieuse. Un panneau « Radisin. » Contraction de Radio Iran m’explique-t-on. J’ai vu des journalistes, des ordinateurs, une rédaction, des casques, des micros, des lumières rouges, des sonos. Ici on diffuse jour et nuit. On parle en perse. Je suis arrivée à Téhéran made in Tel Aviv. Dans ce pays, tout est possible.
Kami a quitté Téhéran. Il avait 13 ans. Il a laissé ses camarades de collèges, ses amis du foot. Juifs, musulmans. Aucune importance. Aucune différence. Un ami, c’est un ami. Quand il a vu le nouveau Président d’Iran, pas très sympathique avec Israël, Kami a pensé à eux, là bas, ses amis jamais revus. Il s’est demandé que devenait la prof de maths dont ils étaient tous amoureux. Il a pensé à l’épicier avec qui ils marchandaient des bonbons, là bas, à Téhéran.
Alors il a eu l’idée, avec d’autres amis, de créer cette radio. Une radio pour leur parler, leur dire combien il les aime et combien il sait que ce Président ne représente pas les iraniens. « Je connais les iraniens, je suis iranien. Ce qu’on dit du peuple iranien n’est pas la vérité ». Les iraniens aiment la paix, la fête, accueillir, s’ouvrir au monde, la culture, l’art, l’Histoire.
D’auditeurs en auditeurs, la radio émet aujourd’hui dans le monde entier grâce aux satellites. Là-bas, à Téhéran on l’écoute sur le web. Cette fois l’Etat n’a pas encore réussi à contrôler. Les iraniens appellent d’Israël, de France, d’Allemagne, des Etats-Unis. Ils racontent leur vie, la liberté, la vision du monde. La radio s’est fait un nom. Cent mille auditeurs dans le monde. Tous les matins, « Good morning Téhéran ! ». Ça c’est Tel Aviv !
Et puis, un jour, une voix au téléphone. En direct. Kami interpelle, plaisante. En perse, l’auditeur lui raconte une histoire, celle de l’épicier au bas de la rue, à Téhéran. Kami s’arrête. De respirer. De plaisanter. Son enfance touchée du doigt. C’est lui. Son ami. Jahan au bout du fil. A des poignées de kilomètres, quelque part en Iran, lui dit-il, peur d’être repéré.
Ce soir là Kami Itzhakian dormira heureux, soulagé. Non, rien n’a changé. Le peuple iranien est resté le même, audacieux, futé, aimant la vie plus que tout. Depuis, ils appellent, nombreux, en cachette. Musulmans, juifs, ils rient de tout et de la vie.
Loin des ressentis, fier de ses racines, Kami un iranien à Tel Aviv.
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