le sens des “proportions” de la “communauté internationale” par Shmuel Trigano
Il y a quelque chose d’étrange et de contradictoire dans le décalage entre la précaution extrême mise par Israël à éviter de faire des victimes civiles et la réprobation planétaire de ses actions militaires ou des “bavures” qui peuvent résulter de bombardements calculés pourtant au millimètre près.
Les procédures de Tsahal sont en effet uniques au monde. Avant toute opération, l’armée avertit les populations civiles, par téléphone, SMS, message radio et télévisuel, afin qu’elles quittent les lieux. Elle soigne les blessés de l’ennemi dans les hôpitaux israéliens et a ouvert même un hôpital de campagne à Erez, sur la frontière, spécialement dédié à celà (et régulièrement bombardé par le Hamas qui empêche les Palestiniens de l’approcher!)… Chaque acte militaire est surveillé de près par un conseiller juridique, spécialiste en droit international, autant dans sa planification qu’au cours de sa mise en œuvre.
L’autre étrangeté de la situation, et même le scandale, c’est que la tactique criminelle du Hamas n’est absolument jamais l’objet d’une stigmatisation visuelle, et pour cause: ses rampes de lancement sont installées dans les zones densément peuplées de civils, les écoles, les mosquées, les hôpitaux…. Il cible intentionnellement les civils israéliens mais on ne voit jamais les armes du Hamas : elles sont cachés derrière les “enfants” et les “civils …
Les médias qui se repaissent exclusivement du spectacle des civils palestiniens (il lui faut en effet des morts!) se font ainsi les petits messagers de la propagande de guerre du Hamas. Ils n’ont jamais montré ses hommes en armes, ni la militarisation de Gaza, ni les armes de mort entreposées en quantité. Non, les reporters se tiennent en meute à la porte des urgences des hôpitaux palestiniens (au moins ils n’y craignent rien!) pour montrer l’arrivée de corps sanguinolents et les éternelles femmes voilées levant les bras au ciel. Le spectacle est déjà connu et on y devient indifférent parce qu’il est dans sa structure même mensonger. Qui sait aussi si la souffrance montrée est vraie ou simulée? Le passé nous a beaucoup appris sur la fabrique d’événements télévisuels dont sont spécialistes les Palestiniens. A Gaza, il n’y a pour les téléspectateurs que des enfants blessés, des femmes qui se lamentent et des hôpitaux!
Un phénomène fascinant
Israël se retrouve ainsi aujourd’hui, une énième fois, accusé de “crimes contre l’humanité” devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Outre le cynisme de l’abstention des Etats européens, qui font pourtant sans cesse la morale à Israël, outre le scandale moral d’une “communauté internationale” sous la coupe de l’Organisation de la coopération islamique et de l’argent du Qatar, nous sommes confrontés à un phénomène fascinant du point de vue psychologique et symbolique, qu’il faut essayer de comprendre. Il y a là en effet plus qu’une manipulation de l’information: un très profond syndrome psychique et moral – dans lequel Israël se trouve aussi pris, surtout pour une part de ses élites, en tout cas ses élites médiatiques[1].
Une contradiction éclairante
Je trouve l’indice qui nous met sur la voie d’une compréhension dans une contradiction apparente. On sait que les Palestiniens ont instrumentalisé, avec une cruauté inhumaine, leurs enfants[2] et leurs civils en en faisant des bombes humaines durant de nombreuses années. Une culture célébrant religieusement la mort donnée aux “Juifs” et à soi même (ce n’est pas un suicide puisque, car la mort de soi a pour but de donner la mort à d’autres) a accompagné cette déshumanisation de la société palestinienne.
Ce que les journalistes appellent des “attaques suicides” sont, dans leur intention proclamée, des actes religieux rituels de sacrifice mortel des Juifs. Le terme de Shahid, martyr, qui nomme cet acte désigne celui qui fait la shahada, c’est à dire la profession de foi de l’islam. Or, ce sont ces mêmes enfants, militarisés, enrégimentés, instrumentalisés, envoyés défier une armée, qui fournissent l’argument massue que les Palestiniens agitent pour apitoyer les Occidentaux et exciter la fureur arabe mondiale par la chaîne du Qatar interposée, Al Jazeera.
C’est à l’émotion et au sentiment de compassion que les terroristes font appel alors qu’ils le piétinent consciemment dans leurs actes, non seulement envers les Juifs mais envers les leurs, leurs “enfants”.
La centralité de l’enfant
L’enfant “victime” transforme ainsi une agression en souffrance victimaire répercutée planétairement, par le biais d’une double manipulation: pour les Occidentaux, il est construit comme victime des Israéliens alors qu’en fait il est sacrifié programmatiquement par les Palestiniens tandis que, pour les Arabes, l’agression est construite comme un accomplissement religieux maximal alors que son échec est patent (le rapport de forces sur le terrain reste le même).
Par delà le cynisme des acteurs palestiniens, ce qui se joue autour des enfants (comme figure absolue du “civil innocent”) et des Juifs est lourd de significations complexes. L’enfant est devenu le dispositif sémiotique, symbolique, capital, de la guerre palestinienne, et il faudrait ajouter musulmane dans la mesure où ce dispositif puise dans l’imaginaire islamique et son antijudaïsme foncier.
Dans ce syndrome, se manifeste, en fait, un désir meurtrier envers les Juifs, retourné contre soi (parce qu’il n’a pas la capacité de mener à bien son projet de tuer) à travers l’exhibition d’enfants (/civils) supposés martyrs. On aura remarqué que les Palestiniens exposent leurs cadavres, sanguinolents, de la façon la plus obscène qui soit, afin de violenter émotionnellement les téléspectateurs (alors qu’on n’a jamais vu sur les écrans le sang des Juifs assassinés par les “victimes”). C’est exactement ce que font les petits films de propagande internet d’Al Qaïda et des djihadistes pour lever des candidats au djihad, en leur présentant des scènes d’une violence inouie: décapitations, crucifixions, etc.
Autrement dit, la haine pour les Juifs, qu’on rêve d’exterminer, est “blanchie” par l’exhibition d’une souffrance présentée comme subie, à travers la figure de l’enfant ou du civil – et non du terroriste -, choisis parce qu’ils sont symboles d’innocence.
L’exhibition compassionnelle, très télévisuelle, des victimes est capitale dans l’instrumentalisation des civils morts (et il faut que la guerre du Hamas soit une usine produisant des civils palestiniens morts, qui deviennent des missiles symboliques comme les bombes humaines étaient devenues des armes). Cette “méthode” fut inventée dans les années 1960 par les terroristes palestiniens qui ne détournèrent des avions que pour le suspense télévisé qui en résultait. Comme Baudrillard l’a montré, alors, l’acte terroriste n’est perpétré que pour la caméra.
La version rénovée du “crime rituel”
Dans cet affairement autour de l’enfant victime, nous nous trouvons en fait devant une version rénovée de l’accusation médiévale de crime rituel, accusant les Juifs de se repaître du sang d’un enfant égorgé à des fins rituelles, accusation précédant toujours un pogrom.
Il faut en comprendre le mécanisme à l’origine, c’est à dire dans le christianisme médiéval. Le “crime rituel” est censé se produire pour la fête juive de Pâque, au moment où les Pâques chrétiennes se remémorent la crucifixion de Jésus dont le Nouveau Testament attribue la responsabilité aux Juifs. En accusant les Juifs de sacrifier à chaque fête de Pâque, un enfant chrétien pour pétrir avec son sang le pain azyme, la matsa, il s’opère dans l’imaginaire chrétien une substitution de l’enfant à Jésus. C’est la théologie catholique qui fonde cette possibilité car, dans le rite de l’eucharistie qui se met en place à cette époque, sommet du culte chrétien, l’hostie que mange le catholique est réellement la chair du Christ et le vin qu’il boit à cette occasion est réellement son sang. Or, l’hostie c’est en tous points une matsa et le vin, “sang du Christ”, se retrouve dans le Kiddouch, bénédiction du vin qui se prête, par sa couleur (comme le vin de la messe), à une assimilation au sang de l’enfant sacrifié.
Le complexe chamanique
On peut aisément comprendre le terrible sentiment de culpabilité qui devait étreindre l’imaginaire et la psyché chrétiennes à l’époque médiévale. Les croyants gagnaient en effet le salut et l’assurance de la vie éternelle en mangeant la chair et en buvant le sang du Dieu incarné. Ils étaient pris dans ce que Levy-Strauss a défini comme un “complexe chamanique” à travers lequel un groupe produit le pouvoir qui s’exerce sur lui par une circulation quasi magique de forces entre les individus qui croient expérimenter du dehors ce qui relève en fait de leur hallucination collective.
Ce cercle magique de l’auto-persuasion, les chrétiens médiévaux le fermèrent symboliquement (à chaque pogrom de Pâques) à travers un exutoire, du type du bouc émissaire, qui les libérait de leur sentiment de culpabilité, en accusant les Juifs d’avoir à l’origine perpétré le crime contre Dieu (“déïcide”) et de continuer à le commettre alors qu’eux mêmes en cueillent le fruit avec culpabilité (le Christ est mort/a été tué pour leur salut). Ils matérialisaient ainsi “littéralement” dans la personne des Juifs ce qu’ils célébraient “symboliquement” dans le rite de l’eucharistie, pour se libérer du côté “performatif”[3] que la théologie conférait désormais au rite. L’enfant que les Juifs étaient censés tuer à Pâque, réïtérait le crime du Christ crucifié. Le chrétien se le remémorait, voire le perpétrait lui aussi en mangeant sa chair et buvant son sang à chaque messe, en en retirant l’avantage de la vie éternelle. La culpabilité, découlant d’un salut acquis par le sacrifice de Dieu, fut ainsi reportée sur le Juif afin d’en libérer le chrétien. Le pogrom qui suivait en général l’accusation de meurtre rituel lui permettait alors de se “purifier” en rejetant ou en tuant les “déïcides”, soupçonnés de répéter ces actes sur des enfants chrétiens. Le croyant pouvait alors jouir seul de son salut sans remords, ni culpabilité. Tel est le paysage original (médiéval) de l’accusation de meurtre rituel.
C’est la même structure qui est à l’œuvre dans la tactique du Hamas que nous avons décrite: l’enfant sacrifié (pour son salut – “shahid“- et le salut de tous), c’est à dire envoyé à la mort (bombes humaines, émeutes, boucliers humains…), est construit comme une victime (rituelle) des Juifs, supposés tueurs d’enfants et de civils par cruauté maléfique. Le côté religieux, ici islamique, est très important car le rite supposé chez les Juifs cache le rite religieux mortifère que les Palestiniens mettent en acte.
L’exhibition télévisée
L’exhibition télévisée de l’acte meurtrier/sacrificiel est capital car cet acte est destiné à un Tiers, l’Occident, les télévisions occidentales. C’est le but de guerre absolu des Palestiniens qui ne font la guerre au milieu de leurs civils que pour cette fin, qui majore les gains des actes terroristes. C’est la seule finalité possible de l’acte guerrier d’une bande terroriste qui ne peut vaincre une armée régulière sur le terrain mais croit, en bonne héritière d’Arafat, pouvoir le vaincre sur le terrain de la réprobation du Tiers occidental (bien plus qu’arabe).
Pourquoi y réussissent-ils mieux que ce qu’on peut penser? Pourquoi celà marche-t-il? C’est parce que l’enfant-martyr entraîne toutes sortes d’évocations dans un univers marqué par l’héritage chrétien que nous avons esquissé. En Occident, l’arme-enfant soulève ainsi une hostilité antijudaïque très ancienne, religieuse, archaïque.
L’apitoiement sur l’assassinat fantasmé de l’enfant, le scandale qui l’accompagne fondent le meurtre des Juifs pour l’instant en échec mais toujours en projet. L’accusation des Juifs opère en effet une réversion de l’acte meurtrier rituel que pratique objectivement les Palestiniens: sur leurs enfants et sur les Juifs. L”enfant” martyr se fait le vecteur d’un meurtre programmé. L’enfant innocent est l’arme qui va toucher les Juifs à travers la déflagration découlant de son exhibition sur le public télévisuel mondial.
Le scandale qu’organisent les médias occidentaux est censé, en effet, susciter l’horreur à propos d’Israël et conduire à son banissement “unanime”, comme un bouc émissaire voué à la mort – car c’est la mort pogromique des Juifs qui se profile dans la réprobation. En faisant écho à ce scandale simulé, à l’instar de la rumeur médiévale qui colportait le “crime” des Juifs, c’est à dire en se prétant à l’accusation du Hamas, à savoir que les Juifs pratiquent des crimes de guerre, “un génocide” selon Mahmoud Abbas, les médias occidentaux se prêtent totalement à ce syndrome.
Ils en sont d’ailleurs les instigateurs indirects, puisque c’est pour eux, leurs journalistes sur le terrain (ah ces petites jeunes femmes qui “se la jouent” en “correspondantes de guerre”), que les Palestiniens montent ce spectacle sanglant, mais ils en sont aussi les propagateurs car ce sont eux qui font écran au scandale de l’acte meurtrier du Hamas envers ses propres enfants (il empêche par exemple les civils de fuir les zones d’affrontement) mais aussi de la responsabilité des civils de l’entité gazaouite qui l’ont élu et le soutiennent manifestement, qui ne se sont pas révoltés contre sa cruauté et ne se sont pas opposé à la militarisation de leurs enfants.
Il faut souligner l’extraordinaire responsabilité des médias occidentaux en matière d’incitation à la haine, en adoptant le récit victimiste trompeur du mouvement terroriste et en provoquant les populations musulmanes de par le monde qui ont déjà leur content avec les prêches antijuifs permanents d’Al Jazeera. Ils sont les véritables prêcheurs de haine.
Le concept de “civil innocents”
Il faut à ce propos se pencher sur le concept de “civils innocents”, un concept juridique dont la vocation avait à ses origines pour objectif de limiter l’inhumanité de la guerre. On ne peut qu’y souscrire mais cette exigence est-elle réaliste? Elle avait surement un sens au XIX° siècle, lorsque les armées s’affrontaient surtout en rase campagne. Mais, dès le moment où la guerre oppose des mouvements terroristes, des organisations armées, luttant pour quelque raison que ce soit, à l’armée d’un Etat en bonne et due forme, le terrain d’affrontement est désormais la société civile, celle qui est attaquée et celle qui attaque. Dans une situation pareille, les ennemis d’un Etat organisé se permettent tout, contre les civils de leur cible et leurs propres civils au sein desquels ils se nichent, souvent avec l’assentiment de ces derniers. Dans un tel cas de figure, peut-on justifier que les soldats de la puissance attaquée (car c’est toujours le plus petit qui attaque le plus grand) soient mis en danger afin de préserver les “civils innocents”, comme c’est le cas en Israël et aujourd’hui même à Gaza? C’est une disposition qu’une nation en armes ne peut accepter. L’armée d’un Etat démocratique est en effet forcément perdante si elle observe les règles de la guerre que l’ennemi n’observe pas. Je doute fort que le concept de “civils innocents” puisse résister longtemps à un conflit qui durerait et que la partie étatique au conflit accepte de se laisser dominer par son ennemi par ce chantage à l’humanité qu’elle même piétine quotidiennement.
Les “civils” sont-ils “innocents”? Ce sont les civils du Hamas qui ont, à l’origine, porté au pouvoir le Hamas, lui ont fourni ses troupes, l’ont célébré dans les rues, accepté que leurs enfants soient embrigadés, restés silencieux sur l’installation des rampes de fusées dans leurs quartiers et sans révolte contre la tyrannie de ce groupe terroriste, célébré dans les rues les enlèvements d’Israéliens, etc. En quoi peut-on dissocier les civils de Gaza de leur armée de terroristes? Certes, Israël ne doit pas viser spécifiquement ces civils, ce n’est pas celà qui est en discussion, mais on n’a pas le droit moral et politique de l’accuser de causer des morts civils car le Hamas sans ses civils n’existe pas. L’armée israélienne affronte une situation que les armées du monde démocratique affronteront de plus en plus à l’avenir. On les verra à l’œuvre (et que sait-il passé dans le bombardement de la Serbie par l’OTAN? Que s’est-il passé au Mali, dont nous n’avons eu aucune image télévisée?).
La logique de la guerre, hier comme aujourd’hui, c’est que des entités massifiées s’affrontent. Comment distinguer en effet entre l’armée ennemie et la population qui la porte, la nourrit, l’alimente en hommes? C’est justement là que s’engouffre la tactique du Hamas et des Palestiniens, qui enveloppent leurs armes et leurs missiles d’une enveloppe humaine. Si, effectivement, aux yeux de tous, dans l’opinion médiatique, le Hamas a “droit” de le faire – en tout cas est-il excusé – celà signifierait qu’une morale à double standards est à l’œuvre, qui juge selon le système de “deux poids, deux mesures”.
Les Alliés faisait-ils la différence entre l’Etat nazi et la population allemande sans laquelle il n’aurait jamais existé? Si on suivait cette logique, Israël devrait rester passif sous les coups du terrorisme gazaoui parce que celui ci a pris comme couverture la société civile et les enfants. Nous décelons dans cette façon de voir l’influence du postmodernisme aux yeux duquel il n’y a plus d’Etats mais des sociétés civiles, il n’y a plus d’ennemis mais des “concurrents”, plus de guerre mais des différents, plus d’armée mais une police… Le postmodernisme est la doctrine politique et idéologique qui sape la capacité de résistance morale des sociétés démocratiques face à un nouveau type d’ennemi. Sa finalité est le démantèlement des démocraties occidentales.[4]
Pourquoi celà n’arrive qu’aux Israéliens?
Il nous reste à comprendre maintenant pourquoi l’enfant, l’enfant martyr est un symbole électif pour frapper les Juifs et notamment ici les Israéliens? Pourquoi “les Juifs” (comme disent tous les Arabes sans distinction)? La réponse est toute faite: justement parce que cette armée ne se comporte pas comme les autres. Sa sensibilité humanitaire est perçue comme son point faible. Mais peut-être aussi parce que les critères d’action d’Israël sont placés tellement haut qu’ils rendent les Juifs odieux à ceux qui ne mettent pas en œu vre ces critères , ces à dire tous les Etats du monde. C’est dans ce creux-là d’ailleurs que se nichent les Palestiniens pour accabler Israël sur un plan mondial. L’affaiblissement qui en résulte pour la tactique militaire israélienne est exploitée par l’ennemi non seulement sur le terrain mais aussi dans ses conséquences internationales puisqu’Israël est accusé de se comporter en deçà de la morale qu’il s’est fixé et qu’il pratique. Ici aussi les “deux poids, deux mesures” sont patents. 1000 victimes à Gaza dont plus de la moitié sont des terroristes causent un scandale planétaire mais pas 170 000 victimes syriennes, et hier le Soudan et avant hier le Rwanda, etc.
C’est l’hypocrisie qui l’emporte donc chez les manipulateurs d’émotion journalistiques qui campent de vertueux moralistes. La corruption morale est générale. Nous sommes dans une société qui ressemble à ce que fut Sodome. La morale est pervertie. Les Juifs ne doivent plus se sentir concernés moralement et intellectuellement par ces discours. Ils y sont beaucoup trop sensibles. Il ne sert même plus à rien de les contredire, d’en être affects, mais il faut les prendre pour ce qu’ils sont: une menace de violence à venir à leur encontre. A Paris,il y a quelques jours, nous avons vu qu’elle pouvait prendre la forme d’un pogrom.
La doctrine de la “proportionnalité”
Derrière le syndrome que nous analysons, il n’y a pas qu’une dimension psychique et symbolique, il y a aussi une doctrine politique très clairement établie par les Occidentaux, que l’on peut définir, sur la base de l’argument principal par elle invoquée, comme celle de la “proportionnalité”.
Très étrange notion, sur le plan rationnel tout d’abord: il faudrait qu’Israël se limite dans sa légitime défense pour s’ajuster à la force de son ennemi, qui n’est pas une instance étatique mais une instance floue de “militants”, “combattants”, “civils innocents”… En d’autres termes, il faudrait qu’il se laisse agresser sans trop réagir. Le comput différentiel de victimes israéliennes et palestiniennes, que les médias ne cessent d’actualiser comme une litanie angoissante, entretenant un suspense (sans même plus décompter les victimes israéliennes), est produit comme la preuve croissante de la cruauté et de la violence israéliennes. Le décompte journalier de victimes palestiniennes, acte rituel quasi religieux, efface les conditions du conflit et la violence religieuse et militaire palestiniennes.
Que dirait-on si l’on comparait le nombres de victimes de l’Allemagne nazie (7 millions) et celui des victimes américaines (450 000) dans la guerre? Que l’Allemagne nazie était la victime? Le même procédé est à l’œuvre avec le mythe des réfugiés palestiniens, résultat de la guerre d’extermination contre Israël qu’eux et leurs alliés ont heureusement perdue! Il aurait fallu qu’Israël soit vaincu pour être “moral”? La mise en avant permanente des “réfugiés” palestiniens a pour but de faire écran au million de Juifs qui ont été chassés des pays arabes en guerre contre Israël et dont 600 000 sont devenus, alors, israéliens, en égal échange de populations. Mais le sacro-saint “peuple palestinien” efface l’existence de l’univers derrière lui! C’est le même dispositif qui est mis en œuvre lorsque les pro-palestiniens exhibent les cartes d’Israël pour montrer son extension territoriale continue: si Israël est arrivé au Jourdain c’est à la suite de guerres déclenchées par ses ennemis et qu’il a très heureusement vaincus. Il n’y a aucune aucune honte à avoir de ces victoires. Bien au contraire!
“Comme des moutons à l’abattoir”: la doctrine israélienne de l’Occident
En vérité, la”proportion” qu’Israël devrait respecter, contrairement à ce que cet argument contourné et dilatoire avance, ne concerne pas la supériorité en armes d’Israël par rapport aux Palestiniens, le “peuple en danger” des gauchistes, mais la limite existentielle que cette doctrine lui assigne et qu’il ne doit pas dépasser, sous peine de devenir illégitime et d’être combattu non seulement par les Arabes mais aussi les Occidentaux.
On peut faire remonter l’origine de cette conception perverse à la violente sortie du général de Gaulle contre Israël et le peuple juif, en 1967, un discours significatif qui se fait le héraut avant l’heure du nouvel antisémitisme, ce qu’avait bien vu Raymond Aron. Il y exprime très bien que l’espace vital politique (et militaire) qu’il concède (toujours avec sa prétention sans limites) à Israël est limité, parce que la justification de son existence est faible. «On pouvait se demander…, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui étaient foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits.» «L’établissement de leur Etat sur le territoire que leur avaient reconnu les Puissances tout en désirant qu’ils parviennent en usant d’un peu de modestie à trouver avec leurs voisins un modus vivendi. »
De ce fait, cet Etat se tient sous la menace permanente de voir cet espace vital dénié s’il outrepassait ces limites existentielles. C’est le but de la politique occidentale de le maintenir dans ses étroites limites. «On avait vu en effet un Etat d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir. Ensuite l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait porté pour l’agrandir à utiliser toute occasion qui se présenterait. » «Nous lui prodiguions des avis de modération».
En fait, De Gaulle assignait Israël à une condition exclusivement humanitaire et non historique ni politique. Le rendre responsable de l’extension de son territoire face à des ennemis qui, même vaincus, ne veulent pas la paix, ou qualifier le doublement de sa population, résultant de la persécution arabe, de “politique concertée” est bien évidemment une falsification de la réalité historique. Seul l’héritage victimaire de la Shoah fonde – et limite – sa légitimité, en réalité: “en dépit du flot montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils suscitaient dans certains pays et à certaines époques, un capital (sic) considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur (les Juifs) faveur, surtout, il faut bien le dire dans la chrétienté: un capital qui était issu de l’immense souvenir du testament nourri par toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique malheur et que poétisait chez nous la légende du Juif errant accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subies pendant la deuxième guerre mondiale.»
Nous avons là l’origine de l’accusation de nazisme lancée très “moralement” à un Etat d’Israël qui se comporte comme tous les Etats. La finalité de cette doctrine est de maintenir Israël en deçà de sa souveraineté, dans une condition infra-politique, à l’espace vital très restreint, dans la posture d’une victime permanente, dépendant de l’Occident pour sa survie. «Si Israël est attaqué, dis-je alors en substance (à Abba Eban), nous ne le laisserons pas détruire mais si vous (Israël) vous attaquez nous condamnerons votre initiative». «Nous n’admettrions pas qu’il fût détruit»… Juste de quoi survivre, toujours au bord du néant.
C’est bien ce programme que les puissances occidentales ont systématiquement mis en œuvre, dans tous leurs “plans de paix”. A chaque guerre qu’Israël a remportées, elles ont contraint Israël à renoncer aux bénéfices de ses victoires, comme il est d’usage dans tous les conflits (et avant tout le bénéfice d’obtenir la paix), pour remettre en selle ses ennemis, leur éviter d’être confrontés à la reconnaissance de l’existence de cet Etat, et leur permettre de poursuivre une guerre qu’en fait l’Occident alimente depuis 100 ans (en accusant Israël d’en être la cause). La dernière tentative de Kerry de relance du “processus de paix”, quasi grotesque, en est un autre exemple. Les Occidentaux veulent imposer à Israël un “arrangement” suicidaire, et l’y abandonner, comme ils l’ont fait de toutes parts (Irak, Libye, etc). Avec Kerry tout y était, même la menace de boycott, esquissée avec le blocus aérien, et la classification d’Israël comme un Etat d’apartheid. Le cessez le feu imposé par Obama est de la même eau. Le Hamas ne s’y trompe pas.
Une légitimité victimaire, donc, qui enseigne aux Juifs (et cela prend sur une partie d’entre eux) une morale sacrificielle. Au nom de la Shoah.
La Shoah est-elle terminée?
Oui, si les Juifs retrouvent en eux la force et la conviction des Macchabées…
[1] Cf S. Trigano “La guerre postmoderniste”
[2] La construction des tunnels à Gaza qui relient l’enclave palestinienne à Israël, et qui sont actuellement détruits par l’armée israélienne dans le cadre de l’opération “Bordure protectrice” a provoqué la mort d’au moins 160 enfants palestiniens selon un rapport publié par l’Institut d’Etudes Palestiniennes en 2012. L’auteur du rapport, Nicolas Pelham, a expliqué que le Hamas avait exploité des enfants pour construire les tunnels car “ils sont très prisés pour leur agilité”. http://www.i24news.tv/fr/mobile#content/38314
[3] Comme si l’acte symbolique de la messe suffisait à en faire un acte réel (la transubstantiation).
[4] Cf. Le blog, “Lae spectre d’une guerre postmoderniste”
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