Malkin Leon (Aryeh) a combattu les Nazis durant la Seconde guerre mondiale et a contribué à faire passer clandestinement des Juifs en Palestine, avant la création de l’Etat d’Israël ; il a alors construit le kibboutz Ein Dor et combattu lors de la guerre d’Indépendance.
À l’âge de 93 ans, Leon (Aryeh) Malkin raconte une histoire remarquable. Originaire de New York City, Malkin a rejoint les militaires américains en Normandie durant la guerre, en 1944, où il a combattu les Allemands, avant de participer au passage clandestin des réfugiés juifs en Palestine, pré-État d’Israël sous le mandat britannique. Malkin a contribué à établir le kibboutz Ein Dor dans la vallée de Jezreel et a lutté pour la survie d’Israël lors de la guerre d’Indépendance.
Malkin avait rêvé de faire son alya (Immigration) en Israël quand il était un jeune garçon. Né de parents juifs russes dans le Bronx à New York, le 31 mai 1921, à l’âge de 11 ans il avait rejoint la section locale du mouvement de jeunesse sioniste Hashomer Hatzair. Là, il entendit les récits d’une patrie lointaine où les Juifs travaillaient le sol sous le soleil méditerranéen, en communautés égalitaires et où les femmes et les hommes étaient libres.
Il a formé un groupe, « garin », avec d’autres jeunes membres du mouvement de jeunesse, qui prévoyait de construire un kibboutz. Malheureusement pour Malkin et ses amis, l’histoire a changé le cours des choses et a bouleversé leurs projets.
En juin 1942, Malkin a été recruté par l’armée américaine pour lutter contre les Allemands en Europe. Le 11 juin 1944, il débarque en Normandie lors du débarquement allié. Il appartient à l’unité blindée de l’armée américaine. Lors de son passage en Normandie, il fera des photos des enfants du village de Loupe et de Manou dans le Perche à qui il avait distribué des chocolats et des friandises américaines.
Malkin se rend à Paris et en Belgique. Là, il apprend que son jeune frère est tombé au combat, abattu par un obus de mortier dans le nord de l’Allemagne. Il reçut un congé spécial pour se rendre sur la tombe de son unique frère.
Malkin n’a jamais cessé de rêver d’Israël. Tout au long des combats, il s’est rappelé de son rêve de construire un kibboutz et n’a jamais perdu de vue son avenir en tant que pionnier.
Les autres membres masculins de son « garin » ont aussi participé aux combats en Europe dans diverses unités de l’armée américaine, et contre toute attente, ils ont réussi à se retrouver vers la fin de la guerre à Paris. Là, ils ont réaffirmé leur attachement à leur mission collective de construire un kibboutz et discutaient des rumeurs qui faisaient état d’agents de la Haganah (Forces de défense juive pré-étatiques) qui organisaient un déplacement clandestin massif de réfugiés juifs hors d’Europe.
Les membres de garin ont convenu qu’avant d’embarquer, ils diraient au revoir à leurs parents aux USA et puis retourneraient en Europe offrir leur aide à la Haganah. À leur grande surprise, l’occasion est venue plus tôt que prévu.
De retour aux États-Unis, Malkin et ses camarades du « garin » exploraient les diverses possibilités pour revenir en Europe, lorsqu’ ils ont été approchés par le shaliah de l’ Hashomer Hatzair (délégué d’Israël dans la Diaspora) qui avait une proposition à leur faire. Malkin explique : « Le shaliah est arrivé à l’appartement commun du Bronx où mes amis et moi vivions et il nous a dit que la Haganah avait acheté deux corvettes canadiennes et qu’elle voulait que les membres des mouvements de jeunesse sioniste la rejoigne car ce sont des gens absolument dignes de confiance ».
Le Mossad Laliyah Bet (Institution pour l’Immigration B) était le nom donné par les dirigeants de la Haganah à ce projet. Le Palyam, précurseur de la marine d’Israël, a été chargé du transport maritime des réfugiés, et un réseau de shlichim a été mobilisé pour obtenir que de jeunes juifs du monde entier contribuent à la cause.
Malkin est inquiet de la réaction de son père, sachant que la douleur de la perte de son frère cadet était encore fraiche. Son père partage toutefois sa passion sioniste. « Il m’a dit que s’il avait mon âge, il ferait exactement la même chose, et il m’a entièrement soutenu ».
Les hommes ont été informés que la mission était très secrète, et qu’ils rejoindraient les membres d’un « garin » d’un autre mouvement de jeunesse sioniste – le Habonim – sur les deux navires. Ils devaient se rendre dans un port d’Europe, où des milliers de réfugiés juifs – survivants de la Shoah – les attendraient pour prendre le chemin de la liberté, en Israël.
Le long voyage de retour
Si aucun des hommes n’avait d’expérience navale, leur engagement à la tâche était absolu, et ils ont vite appris comment travailler comme matelots expérimentés. Ils ont navigué sous le couvert d’un navire marchand panaméen pour ne pas attirer l’attention. Seulement une fois la Méditerranée atteinte, le capitaine apprenait que leur destination était Gênes, en Italie.
Ils sont arrivés à Gênes, port occupé par les Britanniques. Ils décidèrent alors de naviguer au nord vers Savone, où l’embarquement clandestin du navire pourrait être conduit en toute discrétion.
Malgré les ennuis avec la police italienne, l’équipage poussa, dans la nuit noire, les 1230 survivants de la Shoah –originaires principalement de Pologne et de Grèce, avec une poignée de partisans russes – vers le navire, pour embarquer, de toute urgence, pour Haïfa.
La communication à bord était difficile.
« Bien sûr, nous étions tous Juifs, mais personne ne parlait la même langue. Nous avons dû apprendre à parler Yiddish. Bien sûr, aucun de nous ne parlait grec », dit Malkin.
Malgré les barrières linguistiques, tous les 1230 hommes et femmes à bord, plus les vingt membres de l’ équipage, partageaient un objectif commun et un destin commun. Il était clair que, dans un moment pareil, les choses se passaient, au-delà de la langue.
En s’approchant de Haïfa, l’équipage a été informé par la radio de la Haganah qu’ils seraient interceptés par la marine britannique et que les passagers devraient être internés au centre de détention d’ Atlit, au sud de Haïfa. Il leur a été demandé de ne pas résister.
Entouré, capturé et emprisonné – mais pas vaincu
Le lendemain matin, ils ont été réveillés par un coup de feu tiré au travers de la proue des navires et se sont retrouvés entourés par trois destroyers britanniques. On leur a dit qu’ils étaient dans les eaux territoriales de la Palestine britannique et qu’ils seraient remorqués jusqu’au rivage de Haïfa.
Les marins britanniques se préparaient à monter à bord du navire ; les 1 230 passagers, ainsi que l’équipage, les « Palyamniks » et les jeunes Américains, se levèrent et créèrent un mur humain solide sur le pont, entre les Britanniques et leur navire. Sans aucune organisation préalable ni consigne, tous les passagers du navire se sont mis à chanter spontanément la Hatikva, l’hymne national.
C’était le moment le plus émouvant de ma vie, a déclaré Malkin. « Chaque fois que je chante la Hatikvah, même aujourd’hui, je me souviens de ce moment-là. Je n’ai jamais depuis lors, connu une telle chose.
Lorsque le navire a accosté à Haïfa, tous les passagers et membre d’équipage ont été emprisonnés à Atlit. Malgré cela, il y avait encore à faire, et la Haganah ne tarda pas à exfiltrer les « Palyamniks ».
Lorsque Malkin a été libéré, avec les autres membres du garin, ils sont partis pour le kibboutz Mishmar Haemek, avant de décider de rejoindre un autre groupe qui travaillait la terre dans la vallée de Jezreel, avec l’intention de s’installer plus près à la frontière, conformément aux priorités défensives de l’époque. C’est ainsi que le kibboutz Ein Dor est né.
Enfin, à l’âge de 25 ans, le rêve d’Arieh Malkin de travailler la terre, s’est réalisé, mais il ne fallut pas longtemps avant qu’il soit confronté à la dure réalité du rêve qui était le sien.
Lutte pour l’indépendance
En janvier 1948, les tensions entre les populations juive et arabe avaient dégénéré.
Cinq mois plus tard, Malkin et le reste du kibboutz se sont réunis autour de la radio pour entendre David Ben-Gourion déclarer l’Indépendance d’ Israël. Alors que le jeune État d’Israël se réjouissait, le danger était imminent. On disait que les gens dansaient dans les rues de Tel -Aviv. Eh bien, les choses étaient différentes pour nous. « Tout d’abord, il n’y avait aucune rue dans le kibboutz pour danser. Deuxièmement, nous étions de garde jour et nuit. Tout le kibboutz à l’époque était une cour en forme d’étoile entourée de postes de garde et d’une enceinte, ce qui a permis de nous garder en vie », a- t-il rappelé.
Le lendemain, cinq armées arabes envahirent le jeune État et chaque homme et femme aptes étaient enrôlés dans la défense du pays. Les kibboutzim dans la vallée de Jezreel étaient entourés de toutes parts par les combats. Malkin, organisait le travail du kibboutz, mais il fut également le contact de la Haganah dans l’organisation de défense. Tous les jours, il envoyait quelques membres en petit groupe afin d’aider à la défense des kibboutzim aux alentours et les communautés agricoles.
Nous n’avions aucun uniforme et nous devions apporter nos propres armes. Ce n’était pas tout à fait comme l’armée israélienne d’aujourd’hui, dit-il avec un sourire. Après une semaine, Malkin ne pouvait plus supporter la situation. Il a convaincu un de ses amis de prendre sa place pour organiser le travail afin de se joindre au combat. A la fin de la guerre, les pionniers de la vallée de Jezreel avaient réussi à sécuriser leurs terres dans le jeune État d’Israël et à maintenir la frontière contre les armées.
65 ans plus tard…
En 1990, Arieh Leon Malkin décide de prendre contact avec le maire de Manou dans le Perche. Il voulait retrouver les enfants normands photographiés en 1944. Il avait toujours gardé les photos. Il fait parvenir les photos de l’époque des enfants et il reçoit des photos d’eux adultes. Il s’agit de la famille Goulet.
“En 2009 , je me suis rendu, avec mes proches, en Normandie et ai reçu une décoration pour le 65ème anniversaire du Débarquement, par le maire de La Loupe, où vit le frère aîné Goulet. Ce frère nous a reçus à La Loupe et sa femme a préparé un repas magnifique pour nous et leur hospitalité était formidable.”
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