Une “journée éthiopienne”, en commémoration du 30e anniversaire de l’Opération Moise, au cours de laquelle 6364 Juifs d’Ethiopie ont été acheminés clandestinement des camps de réfugiés au Soudan vers Israël entre novembre 1984 et janvier 1985, a été organisée à l’Université de Tel-Aviv le 15 mai dernier dans le cadre du Conseil des Gouverneurs de l’Université. La journée comprenait le témoignage du responsable de l’opération, membre du Mossad, le vernissage de l’exposition Faitlovitch, consacrée à la communauté juive d’Ethiopie et l’inauguration de la plaque du Mémorial dédié aux 4000 membres de la communauté morts sur le chemin. Elle a été organisée en collaboration avec les Amis français de l’UTA, et s’est déroulée avec la participation de nombreux étudiants éthiopiens de l’Université.
Dans une captivante présentation, le responsable de l’opération Moise retraça le récit de l’immigration clandestine des Beta Israël (“Maison d’Israël”, terme employé par les Juifs éthiopiens, qui considèrent celui de Falashas, couramment utilisé par les Européens, comme péjoratif, car il signifie “exilé” en amharique). En effet, l’opération Moise, nommée par analogie avec le prophète qui ramena le peuple juif vers la Terre promise, ne fut que l’une des dix interventions organisées par le Mossad entre 1979 et 1990 dans le cadre de l’opération Ahim (Frères) pour faire sortir d’Ethiopie, au cours de longs périples nocturnes sur des milliers de kilomètres, une communauté qui avait conservé son judaïsme intact pendant près de 2000 ans.
Devant un public en haleine, il raconta comment, en l’absence de relations diplomatiques entre Israël et l’Ethiopie, le Mossad prit secrètement contact avec certaines personnalités au Soudan, état voisin, pour acheminer des milliers familles, y compris de jeunes enfants et des personnes âgées, qui avaient fui à pied la famine en Ethiopie pour rejoindre les camps de réfugiés à la frontière. Ceux-ci devaient cacher leur identité à la majorité des réfugiés musulmans, pour ne pas être dénoncés et torturés. Plus de 4000 personnes perdirent la vie pendant ces opérations, victimes de la faim, des épidémies, du brigandage et des meurtres. “L’opération Ahim a été menée pour aider nos frères à réaliser leur rêve” a raconté le responsable du Mossad au cours de son récit riche en anecdotes aussi passionnantes qu’émouvantes, et a ajouté: “Si nous voulons survivre en tant que Juifs, nous devons nous entraider. J’ai considéré ma mission comme étant de mon devoir”.
La suite du programme a inclus le témoignage d’une étudiante, qui raconta le périple de sa famille, échappée à travers le désert alors qu’elle n’avait elle-même pas plus de deux mois, ainsi qu’un jeune chanteur éthiopien. Les Amis français de l’Université ont décidé de fonder une bourse au nom de Ferede Aglum, premier juif éthiopien arrivé en Israël en 1979, qui viendra s’ajouta à celles fonctionnant déjà dans déjà le cadre du programme Admas d’aide aux étudiants de l’Université.
La journée s’est poursuivie par l’inauguration, retransmise par la télévision éthiopienne, de la plaque du “Mémorial dédié aux 4000 Juifs éthiopiens morts sur leur chemin vers Eretz Israel”, offerte par Michael Benabou, devant une sculpture du designer israélien Ron Arad.
Enfin, a eu lieu l’inauguration de l’exposition Faitlovitch, entièrement consacrée aux Juifs d’Ethiopie, à la Bibliothèque centrale Souratsky de l’UTA. La collection Faitlovitch est composée de centaines de documents, livres, manuscrits, revues, photographies et objets d’art datant de la fin du 19e siècle début du 20e, ayant appartenus à l’orientaliste juif polonais Jacques Faitlovitch, qui a consacré sa vie à l’étude de la communauté des Beta Israël et à sa reconnaissance en tant que partie du peuple juif. La collection, parvenue à l’université de Tel-Aviv en 1974, a été entièrement restaurée et mise en valeur grâce aux donations de la famille Romano, dont trois générations de donateurs étaient représentées lors de la cérémonie – René et Nicole Romano, leur fils Dominique, membre du Conseil des gouverneurs de l’UTA, et leur petite-fille Mathilde.
Les discours d’inauguration ont été suivis d’une conférence du Dr Anbessa Teferra, du Département de culture hébraïque de l’UTA, sur la vie et l’œuvre de l’orientaliste qui a fait connaître les Juifs éthiopiens en Europe. Enfin, a été présenté le projet de numérisation de la collection, soutenu par l’Association des Amis français de l’UTA, en particulier, Dominique Romano, Jean Madar et Marc Haddad, qui permettra dès la rentrée prochaine de consulter partout dans le monde cette ressource vitale sur les juifs d’Ethiopie.
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