Lorsque les calamités s’abattent sur les pays musulmans, il y a toujours un pays pointé du doigt: Israël. Une révolution contre un dictateur? Les sionistes sont responsables. Qui d’autre peut être à l’origine de tensions entre des groupes sunnites et chiites? Les Juifs bien entendu. Une bombe a explosé à l’autre bout du monde? Une économie est déstabilisée ? Pas besoin de chercher plus loin qu’Israël. Et où se trouverait le centre de contrôle chargé de déstabiliser le monde arabe? A Tel Aviv, bien sûr.
Le leader libyen déchu Muammar Kadhafi tenait Israël pour responsable de la violence et des troubles en Afrique. L’ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh disait que l’agitation dans le monde arabe était une conspiration pro-sioniste. Le cheikh saoudien Ismael’il al-Hafoufi s’en est pris à Israël pour la profanation des sites saints en Syrie. Sheikh Abd al-Jalil al-Karkouri, un religieux soudanais, pointait Israël du doigt pour les attentats de Boston et du Texas. Et il ne faut pas laisser de coté cette idée bien enracinée selon laquelle les sionistes ont planifié les évènements tragiques du 11 septembre 2001 pour diaboliser les Arabes et les musulmans aux yeux du monde.
Cette folie qui rend les sionistes responsables, et Israël en général, est une réaction aussi impulsive qu’irrationnelle, dépourvue de toute logique. Le plus surprenant est le nombre important de personnes qui y adhérent sans se poser la moindre question et continuent de la propager à travers le monde.
La Syrie, l’Egypte, l’Iran et le Liban s’en sont tous pris violemment au “régime sioniste” et le tiennent responsable de leurs déboires. Tandis que Bashar Assad accuse Israël de tenter de déstabiliser la Syrie, l’opposition syrienne reproche à Israël d’assister le régime Assad en lui donnant une couverture diplomatique. Les deux camps rendent Israël responsable des massacres et des troubles qui se poursuivent en Syrie. Avec l’éventualité d’une intervention internationale en Syrie, les législateurs et les commandants iraniens ont adressé un avertissement sans détour, en disant, qu’une frappe militaire des Etats-Unis sur la Syrie conduirait à des représailles sur Israël. La position d’Israël qui consiste, semble t-il, à rester en dehors de l’équation est dès lors simplement impossible à tenir. Même si les politiciens israéliens évitent de choisir un camp dans les conflits régionaux, les différents acteurs pointent Israël du doigt quoi qu’il en soit.
Autre exemple: le coup d’Etat en Egypte, où les deux camps tiennent Israël pour responsable. Il est intéressant de remarquer que le mouvement populaire de protestation Tamarod critique Israël mais demande au gouvernement de ne pas remettre en cause les accords de Camp David. Si Israël condamne la violence contre le mouvement anti-coup d’Etat, il est perçu comme un ennemi de l’Egypte et accuser de collaborer pour détruire l’armée égyptienne. Même le journal proche de l’Etat, Al-Ahram, a rapporté qu’Israël fait partie d’une alliance pour abattre l’armée égyptienne et balkaniser le pays. Par ailleurs, en 2010, un officiel du gouvernement égyptien rendait les services israéliens de renseignement responsable d’une attaque de requin meurtrière sur les cotes égyptiennes.
Pour certains, cela peut apparaître comme une plaisanterie de mauvais goût, mais cette situation tragicomique est la norme pour beaucoup au Moyen-Orient. Nous ne sommes plus surpris de voir Israël être désigné comme le bouc émissaire des malheurs du monde, mais lorsque l’Iran s’en prend à l’entité sioniste pour le tremblement de terre qui l’a ébranlé, cela dépasse les limites de l’entendement. Et ceci en dépit du fait que les Juifs représentent une poignée d’individus, une infime partie de la population mondiale.
Voyons désormais ce qui se passe réellement dans le monde arabo-musulman. Il y a un flux continu et sans fin de haine – haine des Chiites, haine des Wahhabites, haine des Sunnites, haine des Alaouites, haine des Chrétiens, haine des Juifs… On observe aussi des slogans tels que : « Puisse Dieu détruire Israël », « A bas les Etats-Unis », « que l’Occident aille se faire voir ». La haine est profondément ancrée dans leur tradition, dans leur culture et dans leur éducation. Le monde islamique est déchiré par ce style féroce, venimeux ; c’est exactement ce qui se produit en Egypte, au Syrie, au Liban, en Irak, en Libye, au Yémen, au Pakistan et d’autres encore – des Musulmans tuent d’autres Musulmans.
Cette situation est le fruit d’une propagande intense de la part de certains religieux musulmans qui encouragent la haine de l’ « Autre ». Les Musulmans s’entretuent puis les ils tiennent pour responsables les Juifs. Des érudits wahhabites affirment que les Sunnites sont tous des infidèles et doivent être détruits. De l’autre coté, des érudits sunnites affirment que les Chiites sont infidèles et que leur mort est une obligation. Les chiites estiment à leur tour que la mort des Sunnites est obligatoire, puisqu’ils sont des ennemis. Ce sont des musulmans religieux qui font la promotion du sectarisme le plus violent, prêchant la haine et appelant leurs disciples à commettre des massacres. En quoi les Juifs sont-ils responsables des meurtres de musulmans par d’autres musulmans ?
Lorsque les disciples musulmans considèrent ces appels à la violence, ces mêmes religieux se défilent et tiennent pour responsable les Juifs. Qu’en est-il des appels de Musulmans pour arrêter de se tuer l’un l’autre? Qu’en est-il des musulmans fédérateurs capables de résoudre leurs propres problèmes sans avoir recours à la violence ? Qu’en est-il de l’Organisation de la Coopération Islamique et de ses 57 Etats membres, ou de la Ligue arabe, avec ses 22 Etats, qui semblent toutes deux totalement impuissantes pour apporter une quelconque solution ?
Certains érudits religieux ont dirigé bon nombre de gens ignorants et égarés, distillant ainsi les graines de la haine. Ils confectionnent une croyance qu’ils ont largement façonnée au nom de l’Islam – une croyance qui inclue la haine, la violence, l’obscurantisme et qui n’attache aucune valeur à la vie humaine. Ils épousent l’effusion de sang au nom de l’Islam, propageant la haine envers les Chrétiens, les Juifs, et même envers d’autres Musulmans. Ces gens sans cœur se fourvoient, ne définissent certainement pas ce que sont les Musulmans, mais plutôt des fanatiques et des radicaux.
En tant que Musulmans, cessons de pointer du doigts les autres pour nos propres problèmes. Il est temps que le monde musulman prenne ses responsabilités et réfléchisse à ce qui s’est si mal passé au sein du monde musulman. Pourquoi y a t-il autant d’effusion de sang? Les superstitions, les innovations, les traditions locales et le fanatisme ont remplacés le Coran dans certains pays islamiques, et leur religiosité est devenue profondément artificielle. Cette haine doit cesser et les Musulmans doivent embrasser le vrai esprit du Coran, celui de l’amour, de la compassion et de la fraternité pour tous.
Source : Sinem TEZYAPAR, Jewish Journal, le 11/9/13
Sinem Tezyapar est un commentateur politique et religieux originaire de Turquie et un producteur exécutif à la télévision turque.
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