Médias de la peur : ce que les Israéliens pensent de l’Europe

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Je suis un voyageur. J’aime parcourir les continents et m’immerger au cœur des réalités populaires. Vivre avec les gens, au point de comprendre comment penser comme eux, comment percevoir comme eux, comment ressentir ce qu’ils ressentent. Et je ne ressens l’autosatisfaction de mon voyage que lorsque je  réalise un simple transfert psychologique me faisant passer du « eux » … au « nous ». Alors j’ai l’impression de les comprendre.

Partout où j’ai eu l’occasion de mettre les pieds en Europe, et de discuter avec les populations locales, j’ai été saisi par une chose, somme toute,  insignifiante : les Européens ne connaissent pas Israël au travers des médias (ce qui serait tout à fait logique). La plupart des Européens semblent ne connaître Israël qu’au travers des innombrables reportages télévisés que certains appellent « mijotés de l’info » sur le conflit israélo-arabe, diffusés en prime time sur les chaines commerciales et que je qualifierais de « prémâchés ».

D’habitude, ce sont les Européens qui viennent en Israël pour faire des reportages, pourquoi pas l’inverse ?

Puis, j’ai entendu parler Zvi Yehezkeli, journaliste israélien sur la chaîne franco-allemande Arte. Ses paroles m’ont littéralement fait prendre conscience de l’existence de relents d’ethnocentrismes européens datant d’il y a plus de trois siècles. Il m’a surtout fait comprendre qu’il y avait un sujet qui demeurait vide dans l’actualité mondiale. Voilà ce que disait Zvi Yehezkeli:

« Ici [en Israël] nous parlons à longueur de journée du conflit entre le monde Arabe et l’Occident […]. D’habitude ce sont les Européens qui viennent ici pour faire des reportages sur l’Intifada ou sur les colons. J’ai trouvé très agréable d’inverser les rôles et d’aller faire la même chose là-bas ».

C’est dire qu’en Europe, nous ne connaissons pas ou du moins très peu ce que pensent les Israéliens de nous, Européens. Relents d’ethnocentrismes ou pas, j’ai trouvé la démarche de Yehezkeli des plus futées. Voilà ce qu’ajoutait le journaliste : « Utilisons nos compétences. Je parle Arabe et je connais bien leur culture pour réaliser une série documentaire en Europe ». Yehezkeli a donc réalisé un reportage surprenant sur les populations hostiles aux valeurs occidentales en Europe. Mais qu’est-ce qu’en ont pensé les Israéliens ?

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=JbPmSDnvCL4[/youtube]

 

Des images choquantes

Israël est animée par des valeurs on ne peut plus occidentales : il n’y a qu’à se promener dans les rues de Tel Aviv pour voir que l’air de cette ville rend libre tous ceux qui s’y rendent. Et bien que n’appartenant pas au continent européen géographiquement, l’Etat d’Israël se réclame bien souvent « de la famille européenne » culturellement parlant. Ce pays jouxtant la Méditerranée bénéficie en effet d’une géographie comparable à celle de Chypre, de la Grèce, membres de l’Union Européenne, ou de la Turquie.

Le documentaire de Zvi Yehezkeli, diffusé le mois dernier en Israël  a atteint des records d’audimat. Et certaines images venues d’Europe ont fait beaucoup de bruit en Israël. Certaines ont mêmes littéralement choquées : images d’émeutes urbaines ayant frappé l’Europe ces dernières années – incendie du siège de Charlie Hebdo à Paris, voitures brûlées ou vitrines brisées aux Pays-Bas comme au Royaume Uni sans compter sur la fameuse vague  d’émeutes de 2005 qui débuta à Clichy-sous-Bois en France. Autant d’informations peu connues des Israéliens tant certains se focalisent sur leur note de sympathie auprès de la communauté internationale. Voilà qui devrait les rassurer : l’Europe ne semble pas (ou plus) être un espace de sécurité totale.

On considère l’Europe comme un endroit éclairé, mais là … c’est Gaza 

Voilà comment s’exprime un téléspectateur israélien aux microphones de la chaîne Arte, suite à la diffusion du reportage de Yehezkeli : « On a l’habitude de considérer l’Europe comme un endroit éclairé, libéral, avec des valeurs humanistes. Et là, tu regardes la télé, tu vois Gaza. La police dans les rues et des populations d’origine arabe qui jettent des pierres. Ça nous donne une impression de déjà-vu. »

Une impression de déjà-vu : une jeunesse populaire en voie de marginalisation politique et sociale que certains fustigent comme un « ennemi intérieur ». Cette génération, en tout cas en France, est pourtant celle dont les parents ont largement reconstruit le pays après la guerre et dont une grande partie est aujourd’hui intégrée. Il est toutefois fâcheux de relever qu’une nouvelle population récemment immigrée tarit l’image du modèle d’intégration à la française en se montrant vivement hostile aux valeurs occidentales.

Le phénomène des « violences urbaines », alimenté par le trafic de drogue et ledit « intégrisme musulman » a conduit l’Europe à ethniciser la question sociale de ces populations. Exclusion sociale, sous-prolétariat ou underclass, il semble qu’il existe de meilleurs voies d’intégration des immigrés dans le monde occidental.

Une incitation à la haine

Ce documentaire a vite constitué une pomme de discorde au sein du monde académique et universitaire israélien : certains percevant ce genre de reportage comme une incitation à la haine de l’immigré. C’est le cas de Daniel Bensimon, journaliste et député de gauche qui ne voit nullement dans cette représentation facilitée d’une Europe des banlieues, une solution à la paix au conflit dans la région.

« Il ne faut pas hypnotiser les Israéliens sur cette vague islamique mais essayer d’en comprendre la complexité, c’est ma façon de voir les choses », a avancé Daniel Bensimon aux microphones des journalistes d’Arte. Avant qu’un téléspectateur israélien ne souligne très justement que si « la question ethnique constitue un vrai problème en Europe, je crois que ces gens là [les politiques qui entretiennent l’islamophobie en Europe] sont les même qui, il y a soixante-dix ans, détestaient  les Juifs ».


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