Le Reggae, les rastas et le sionisme… un surprenant mélange

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Novembre 2005, le Zenith à Paris, Cinq milles personnes chantent en coeur le titre Jerusalem “Baroukh ata Adonaï. Baroukh aba Yerushalaim. Jerusalem, je t’aime…” interprété par Alpha Blondy. Surprenant de voir célébrer la ville sainte lors d’un concert de reggae et pourtant…..

En étudiant le mouvement raggae et les principes de vie, ainsi que les icônes du mouvement Rasta de Jamaique, on se rend compte que les références au Judaïsme, même au sionisme, sont légions.

Ainsi Bob Marley chantait “I wanna be Iron, like a lion, in Zion” 

Debut du XIXème siècle, en Jamaïque, les blancs et les noirs vivent séparés, et la population noire vit dans de conditions déplorables malgré l’abolition de l’esclavage en 1834. Colonisés par les anglais, privés d’histoire, acculturés et méprisés par l’église Catholique, c’est dans ce terreau de pauvreté et de violence que vont s’enraciner la musique reggae et le Rastafari. L’Eglise Baptiste, défenseur de la liberté religieuse, les admet peu à peu, pour la première fois depuis des siècles, les noirs jamaïcains ont droit à une forme de culture et chantent le Gospel….

Helen Lee, auteur du livre Le Premier Rasta, explique que : “les noirs sont frappés par la Bible, ou l’on raconte l’histoire d’un peuple esclave en Egypte, affranchi grace à l’intervention divine. Pour eux, c’est une révélation” Peuple d’anciens esclaves, les futurs rastas se reconnaissent naturellement dans le peuple d’Israël.

Pour Abdoulaye Barro, fondateur de l’association Juifs et Africains (JUAF) : “Le peuple juif est un modèle pour le peuple noir auquel il s’identifie. Les noirs ont aussi pris une revanche. Les missionnaires évangélistes voulaient coloniser et asservir les esprits des Jamaïcains par la religion, mais les noirs l’ont utilisé pour s’affranchir et inventer leur propres pensée. Le Rastafari est juste un mouvement inspiré par la Bible, dont la portée est universelle et libératrice”

La Prophétie de Marcus Garvey : 

Marcus “Mosiah” Carvey(1887-1940) est considéré comme un prophète pour tous les Rastas, il est constamment cité dans les morceaux de reggae, notamment par Burning Spears, mais aussi par Bob Marley.
Il aura passé sa vie entre la Jamaïque, les Etats-Unis et l’Angleterre, à se battre pour l’amélioration de la condition des noirs. Mais pas seulement, il transmet l’idée d’un retour en Afrique pour tous les afro-américains et afro-caribéens.
Il sera proclamé héros national par le gouvernement jamaïcain en 1994.

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Ses discours parlent souvent de l’Ethiopie, pour parler de l’Afrique (terme selon la Bible de King James). Sa citation la plus connue est : “Laissons le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob exister pour la race qui croit au Dieu d’Isaac et de Jacob. Nous, les Nègres, croyons au Dieu d’Ethiopie, le Dieu éternel, Dieu le fils, Dieu le Saint Esprit, le Dieu de tous les âges. C’est le Dieu auquel nous croyons, et nous l’adorons à travers les lunettes de l’Ethiopie”

Plus tard les Rastas lui attribueront une phrase prononcée par un révérend : “Regardez vers l’Afrique, ou un roi noir sera couronné, qui mènera le peuple noir à sa délivrance”

C’est cette phrase qui fera de lui un prophète pour tous les rastas, en effet elle annonce l’avènement au trône d’Ethiopie d’Hallié Selassié, le Jah Rasta Fari considéré comme leur messie.

Jah Rasta Fari : 

Halié Selassié (1892-1975) a été roi d’Ethiopie de 1930 à 1936, puis de 1941 à 1974.

Descendant de la Reine de Saba, et du roi Salomon, dont il est le deux cent vingt-cinquième successeur, l’empereur d’Ethiopie Halié Selassié Ier (ou Haîla Sellassié) est à la tête de la plus ancienne dynastie du Monde. Son titre complet est Négus (“roi des rois”), Lion de Juda, défenseur de la foi chrétienne, force de la trinité, élu de Dieu. Fils du Ras Makonnen, il a reçu pour nom à sa naissance celui de ras Tafari Makonnen (Tafari : celui qui est redouté). Il est, en outre, le neveu de l’empereur Menelik II, qui au cours de son règne, commencé en 1889 et achevé à sa mort en 1913, accomplit les premiers pas vers la création d’un état unifié et moderne.

Les liens entre Judaïsme, sionisme et Rastafaris :

Pour les Rastas, Halié Sellasié est le descendant de Melenik I, fruit des amours légendaire de la Reine de Saba et du Roi Salomon. Selon Alpha Blondy, reggaeman africain :”Jerusalem a une grande dimension spirituelle pour les Rastas. Même s’ils n’ont jamais vu Israël, c’est gravé dans leur subconscient. Helen Lee précise “On découvre, en Ethiopie, l’existence de noirs qui pratiquent le judaïsme.

L’histoire des Falashas accentue le mythe rasta et fascine ses adeptes”. Certains rastas vont même jusqu’à revendiquer leur judéité, bien qu’Israël ne la reconnait pas. Ils épousent le mythe des tribus perdues qui se seraient égarées dans des îles de Caraïbes, en passant par l’Ethiopie. Les rastas ont par ailleurs des rites proches des religions sémitiques : le porc et les crustacés sont interdits, les femmes couvrent leur cheveux, sont impures pendant leur règles, et les hommes portent des dreadlocks, “une version afro des papillotes juives orthodoxes”, un coiffure souvent comparée à la crinière du Lion sacré de Juda.

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Les rastas éprouvent aussi à cette époque une grande sympathie pour les sionistes. Nationalistes, ils se sentent proches de leur combat, selon Bruno Blum, auteur de Bob Marley, le Reggae et les Rastas “centré lui aussi sur une identité religieuse”. Mais les rastas situent leur terre promise en Ethiopie, le berceau de l’humanité, dans les saintes écritures, une terre de liberté qui n’a jamais été colonisée.

Elle est le symbole de résistance à Babylone, l’angleterre coloniale, fille de l’impérialisme occidental. Babylone, cité biblique de toutes les perversions, symbolise l’ordre social oppressant pour lequel les rastas éprouvent une profonde aversion. Le “retour” en Ethiopie devient une obsession.

A l’image des premiers habitant juifs de ce que l’on appelle aujourd’hui Israël (car le sionisme a commencé bien avant 1948 et la création de l’état d’Israël), ils veulent quitter Babylone pour rentrer dans le pays de Jah (un des noms hébreux de Dieu). C’est pourquoi, dès les années 1930, Marcus garvey va fonder une compagnie maritime, la Black Starline, pour rapatrier ses frères vers l’Afrique. Un rêve resté en suspens faute d’argent. Toujours selon Bruno Blum : “cette démarche ressemble beaucoup à celle des sionistes avec l’odyssée de l’Exodus”.


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