Les réfugiés oubliés, une injustice des Nations…

réfugiés juifs des pays arabes

« Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde. » Albert Camus

« Force est de constater que la tragédie de l’exil forcé des populations juives du 20ème siècle du monde arabe n’existe pas, car elle n’a pas de nom. Le sort des Juifs du monde arabe n’existe pas, car il n’est pas qualifié. Aucun livre, aucun mémorial, c’est un « trou noir » de l’histoire du 20ème siècle » relégué aux marges de la narration sioniste. (cf PDF ci-dessous).

Le 30 Novembre, l’Etat d’Israël commémore désormais l’expulsion des Juifs des pays arabes et d’Iran.

Le 23 juin 2014, le Parlement Israélien -la Knesset- a adopté une loi fixant la « Journée nationale de commémoration de l’expulsion et de l’exode des Juifs des Etats arabes et de l’Iran » au 30 novembre de chaque année.

Cette loi est l’aboutissement de nombreuses années d’efforts, grâce à des organisations comme Justice pour les Juifs des Pays Arabes (JJAC). Elle a été signée et approuvée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le Président de l’Etat d’Israël de l’époque, Shimon Peres.

Lors de la première commémoration en France (2014), le Ministre plénipotentiaire près de l’Ambassade d‘Israel en France, Zvi Tal, explique que « le choix du 30 novembre (…) n’est pas anodin – en effet, c’est au lendemain de l’adoption par les Nations Unies de la Résolution du Partage, que l’irruption des tensions et que les pressions exercées sur les habitants Juifs de ces contrées, par leurs voisins arabes, ont mené à cet exode tragique. » Et de continuer : « Bon nombre de ces communautés juives, dans cet espace géographique, étaient très anciennes et y avaient même précédé la naissance de l’Islam. Ainsi, la communauté juive d’Irak a existé pendant plus de 2.500 ans et fut un centre culturel majeur du judaïsme, là où le Talmud de Babylone a été écrit et compilé. Cette ancienne communauté a été attaquée par le gouvernement irakien dans le sillage de la création de l’Etat d’Israël. Elle a été expulsée – provoquant de nombreux morts – après avoir été agressée et leurs biens ayant été confisqués. »

En effet, les Juifs vivaient en terres arabes depuis des milliers d’années et beaucoup de leurs communautés ont précédé l’avènement de l’Islam. Cependant, dès le 19ème siècle avec la naissance du sionisme ; puis au 20ème siècle, avec la montée du nationalisme arabe, d’un côté et la renaissance de l’Etat d’Israël, de l’autre ; les nouveaux régimes arabes ont commencé une campagne de violations massives des droits de leurs citoyens juifs, dans l’indifférence généralisée des Nations.

Les Juifs étaient accusés de faire partie du « complot sioniste » et d’être des « agents au service de l’Etat d’Israël ».  

Les Etats arabes ont exproprié et dénaturé les propriétés de leurs Juifs indigènes, qui ont été expulsés, arrêtés, torturés et parmi lesquels beaucoup furent assassinés. Leurs biens, richesses et propriétés ont été confisqués, ils ont dû fuir en laissant derrière eux tout ce qu’ils avaient. 

Près d’un million de Juifs ont été chassés des pays Arabes et d’Iran : Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie, Egypte, Turquie, Syrie, Liban et Yémen. (Pour plus de détails : cf le PDF ci-dessous)

Témoignage de Regina Bublil Waldman, originaire de Lybie, en 1967 : « Au moment de la Guerre des Six jours entre Israël et les pays Arabes, j’avais 19 ans. Ma mère m’a appelé au travail en me disant que des milliers de personnes sont sortis dans les rues saccageant et brulant les quartiers juifs. Elle me suppliait de trouver une place où me cacher, parce que c’était trop dangereux de rentrer chez moi. » 

Les récits du départ des Juifs des pays arabes diffèrent dans le détail, selon leur pays d’origine et d’une famille à une autre, mais en substance leurs histoires sont similaires. La JJAC, une association créée par les Juifs originaires des pays arabes, a œuvré pendant de nombreuses années pour mettre fin au silence assourdissant des Nations sur cette tragédie historique. 

Notre époque a vu la disparition d’une civilisation plus que millénaire sans que rien ne soit fait pour réparer la souffrance de cette population humiliée, meurtrie, spoliée, chassée et indésirable pour beaucoup …

Entre 1940 et 1970, une grande partie de la population juive des Balkans a été exterminée par les Nazis tandis que les communautés juives des pays arabo-musulmans ont dû fuir. (page 22, PDF ci-dessous.)

Cette année, lors de la première commémoration de l’événement à l’ONU, le 1er décembre 2015, l’ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, Danny Danon – dont le père est arrivé en Israël fuyant l’Egypte – affirmait « nous sommes ici ce soir pour nous assurer que le monde reconnaisse enfin les histoires de ces réfugiés oubliés » appelant à réparer cette « injustice sociale ». L’ambassadeur d’Israël aux Nations Unies insistait également sur le fait qu’à la différence les réfugiés palestiniens, les réfugiés Juifs des pays arabes « n’ont pas d’agence spéciale de l’ONU ni plusieurs organisations qui agissent en leur nom. La raison en est simple : là où les pays arabes ont refusé d’intégrer les réfugiés palestiniens, l’Etat d’Israël a ouvert grand ses portes à ses frères Juifs. » 

Effectivement, 600 000 des Juifs exilés des pays arabes ou d’Iran ont été accueilli en Israël ; les autres ont fui vers l’Europe. Beaucoup vers la France ou le Canada.

C’était difficile, rappelle le journaliste Ben-Dror Yemini, dont la famille a dû fuir le Yémen : « Ils ont d’abord été placés dans des camps de transit organisés par l’Agence Juive pour les réfugiés en partance pour Israël. Mais Israël a mené une politique d’intégration qui a réussi. » Et d’expliquer : « lorsqu’on parle des réfugiés palestiniens, on doit aussi parler des réfugiés Juifs des pays arabes ; lorsqu’on parle des propriétés qui ont dû être abandonnées en Israël, on doit en même temps parler des propriétés qui ont dû être abandonnées à Casablanca et au Caire. »

D’un côté, les réfugiés Juifs des pays arabes ont été laissés pour compte et de l’autre les réfugiés palestiniens ont bénéficié d’un statut de réfugié privilégié et unique dans le monde puisqu’elle se transmet de génération en génération. Aucun autre peuple au monde ne jouit d’un tel « privilège ». 

Les Nations Unies mèneraient donc une politique « deux poids, deux mesures » … injuste et honteuse, qui de plus n’aide en rien à l’amélioration de la qualité de vie des arabes palestiniens puisqu’il inscrit leur statut dans le marbre. 

Car les réfugiés palestiniens ont un statut juridique dérogatoire au statut universel des réfugiés établi par la Convention sur le statut des réfugiés de 1951. 

Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire Générale de l’ONU de 1992 à 1996, affirme dans la préface de l’ouvrage « Réfugiés palestiniens, otages de la diplomatie » de Charles Meyer et Philippe Juza aux éditions Hermann de 2011 : « ce statut est tout bonnement discriminatoire. » Et de renchérir : « Les Etats-Unis, l’Europe et, dans une moindre mesure, les pays arabes financent l’UNRWA; mais ils n’ont pas de volonté politique pour régler la question palestinienne. »

Par ailleurs, la Ministre israélienne pour l’Egalité sociale, Gila Gamliel – dont les parents ont dû fuir la Libye et le Yémen – n’a pas manqué de souligner l’injustice que vivent les réfugiés Juifs des pays arabes et d’Iran : « Depuis plus de 65 ans, les Nations Unis et ses agences ont dépensé des dizaines de milliards de dollars pour les réfugiés palestiniens, mais pas un centime pour les réfugiés Juifs, alors que depuis 1949 les Nations Unis ont passé plus de 100 résolutions concernant les réfugiés palestiniens et pas une seule concernant les réfugiés Juifs des pays arabes. »

Lors de l’événement de commémoration aux Nations Unis, le Rabin Dr. Elie Abadie -dont les parents ont fui la Syrie -déclare qu’il souhaite obtenir des pays arabes, « la reconnaissance de la persécution de leurs citoyens juifs ». Il appelle également à ce que les pays arabes préservent les lieux saints et quartiers juifs ; pour les 4.000 Juifs vivant encore dans les pays arabes – dont 3.000 au Maroc alors qu’ils étaient plus de 250 000 – à l’instar des actions du roi du Maroc Mohammed VI qui a restauré un cimetière Juif du Cap-Vert ou encore le roi Philippe VI qui a présenté ses excuses aux descendants des Juifs séfarades espagnols pour le traitement qu’ils ont subi. (page 16, PDF ci-dessous)

Il ne s’agit pas seulement de faire reconnaître la violente et massive expulsion des Juifs des pays arabes mais de réparer une injustice sociale. La JJAC, co-présidé par Abadie, estime que les biens des Juifs spoliés et détruits pourraient s’estimer à 350 milliards de dollars.

Pour consulter les PDF cliquez ici et ici aussi.

Une exposition itinérante, accompagnée d’une brochure, (toutes deux disponible en langue française) présente le parcours des Juifs originaires du Monde arabe et d’Iran. Elle est actuellement exposée à travers la France. 


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