Israël : viole-t-il le droit international à Gaza dans sa guerre contre le Hamas ?

Israel Hamas Civilians

Adapté de l’article de Laurie R. Blank, Pr de droit et Directeur de la faculté de Droit International à l’Université Emory d’Atlanta, publié dans The Hill, le 11 juillet 2014.

Le droit international a beaucoup à dire sur les dernières violences qui ont éclaté entre Israël et le Hamas. Les média eux aussi aiment s’exprimer sur le sujet. Malheureusement, rares sont les fois où médias et règles de droit internationales s’accordent et cela est vraiment regrettable car il en découle une représentation erronée de la situation et de graves conséquences pour les populations civiles, premières victimes des conflits armés.

A une époque où la perception visuelle et le ressenti émotionnel ont un impact déterminant sur la légitimité d’un Etat à agir dans le cadre d’un conflit armé auquel il est partie, rapporter de manière erronée une situation ne saurait être juste qualifié de « mauvais journalisme ». Les conséquences sont bien plus importantes.

L’essence du droit des conflits armés – cadre régulateur des temps de guerre – est de protéger les civils et de minimiser leur souffrance en temps de guerre.

Dans tous les conflits, toutes les parties, quelles qu’elles soient – Etats, groupes rebelles, organisations terroristes – ont l’obligation de minimiser les préjudices envers les civils. Cette obligation prend deux formes: d’une part, protéger les civils de l’ennemi dans les zones attaquées; d’autre part, protéger ses propres civils des répercussions des attaques ennemies.

Au titre de ces obligations, les parties attaquantes 1) ne peuvent attaquer que des « combattants » ennemis (par opposition à des civils) ou leurs biens; 2) éviter les attaques sans discernement ; 3) éviter les attaques qui entraîneraient plus de dommages aux civils qu’elles n’auraient d’avantage militaire réel; 4) prévenir en amont les civils de futures attaques.

Sur leur propre territoire, armées et groupes armés doivent éviter d’agir depuis des zones densément peuplées par leur population civile et doivent prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de leur population. Plus spécifiquement, le droit international condamne l’usage de civils comme boucliers humains.

Il est terriblement frustrant de voir qu’une couverture médiatique inexacte conduit à des conclusions opposées à l’essence même de ces règles protectrices de droit, tant dans leur manière d’appréhender les attaques israéliennes sur Gaza que dans leur manière d’appréhender les attaques du Hamas et du Djihad Islamique sur Israël.

On a ainsi qualifié de « contestables » et « sujets à controverse » l’envoi de tracts par l’armée israélienne visant à prévenir la population civile de Gaza préalablement à des attaques, parce qu’elles auraient eu pour but de protéger l’armée israélienne contre toute accusation de « crime de guerre ». Précisément, le droit international impose de prévenir les populations civiles d’attaques afin de permettre à ces populations de fuir le théâtre des opérations et de se mettre à l’abri tant qu’il en est encore temps. Inversement toute attaque sans discernement, qui ne tenterait pas de minimiser le préjudice commis aux populations civiles serait, oui, qualifié de crime de guerre. Se conforter à cette double logique et la faire sienne n’a rien de contestable, bien au contraire.

Les mises en garde peuvent prendre différentes formes: annonces par voie de radio, tracts, ou tout autre mode de communication. L’utilisation par Israël de mise en garde personnalisées par voie de messages textes ou téléphones va bien au-delà de ce qui est imposé par le droit international. Il est difficile, dans ce contexte, de concevoir que ces mises en gardes soient qualifiées par la presse de « discutables ». Elles sont à l’inverse sans précédents et extrêmement protectrices.

En revanche, le droit international n’impose nullement que les cibles militaires soient préalablement prévenues des attaques les menaçant. Le droit international autorise par définition le recours à l’usage de la force armée par un Etat pour se défendre contre des combattants ennemis et contre des cibles militaires. Cette règle va sans dire car sans cela une armée perdrait tout avantage militaire tactique et stratégique.

Les militants du Hamas sont des combattants, non des civils. Ils ne bénéficient donc pas de la protection qui découle de la mise en garde préalable à une attaque militaire… tout comme le soldat israélien n’a pas à être mis en garde non plus préalablement à une attaque de l’ennemi.

Le Hamas, pour sa part, a annoncé son intention de lancer des roquettes sur les villes de Haïfa, Tel-Aviv, Jérusalem et autres villes du pays. Il n’a nullement fait part de son intention d’attaquer des cibles militaires mais bel et bien des cibles civiles, des villes peuplées de centaines de milliers et même de millions de civils.

Le droit international impose que l’on fasse la distinction entre cibles légitimes et civils, et qualifie le fait de cibler ces derniers comme « crime de guerre ».

Le Hamas et le Djihad lance leurs roquettes indistinctement sur Israël sans se soucier de la population civile et sans aucune intention de la mettre en garde.

Pourtant, rares sont les rapports médiatiques faisant état du caractère sans discernement de ces attaques.

Pire, le Hamas utilise ses propres civils et des immeubles peuplés de Gaza comme bouclier humain. Cette technique leur est bien connue. Des roquettes sont ainsi tirées depuis des immeubles résidentiels et des cours d’écoles, des munitions sont entreposées dans des maisons, des mosquées et des hôpitaux, les dirigeants du Hamas utilisent les maisons de civils pour y installer leurs postes de commande et les civils sont encouragés à monter sur le toit de leurs maisons pour servir de boucliers humains.

Rares, malheureusement, sont les rapports médiatiques à dénoncer ces agissements. Cela est d’autant plus regrettable que c’est précisément ces violations qui conduisent la population civile de Gaza à encourir un danger de mort.

Utiliser sa population comme bouclier humain n’a rien de romantique. Il s’agit d’un crime de guerre.

Utiliser ses hôpitaux comme entrepôts de munitions ou sites de lancement de roquettes met en danger les civils les plus démunis; car une fois un hôpital utilisé comme théâtre d’opérations militaires, il perd sa protection internationale. La protection qu’offre le droit international n’est pas inconditionnelle.

Utiliser des infrastructures civiles comme théâtre d’opérations militaires revient à utiliser sa population civile comme bouclier humain et fait encourir un danger de mort aux populations civiles de toute la zone à partir de laquelle l’offensive est lancée.

Le comportement du Hamas témoigne non seulement du fait que la population israélienne dans son entier est une cible pour eux – ce qui va à l’encontre des dispositions du droit international des conflits armés et constitue un crime de guerre, mais encore que leur propre population civile n’est qu’un pion dans un jeu de propagande cynique, tragique et illégal dont le seul but est de faire pencher la balance médiatique en leur faveur.

Donner raison à ce comportement par le biais d’une dialectique médiatique compréhensive et complaisante revient à faire le jeu du Hamas. Elle est non seulement malheureuse mais encore mortelle. Voilà ce à quoi conduit une couverture médiatique erronée.

Encourager des comportements légaux dans le cadre de conflits armés serait tellement mieux. Le droit international joue un rôle essentiel dans le bon déroulement d’un conflit et garantit la protection de nombreuses vies humaines.


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