On déteste Israël car il nous rappelle nos valeurs perdues

Death to all Juice

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Parler aux Israéliens c’est un peu comme parler aux supporters du Millwall FC, (club de football de ligue 2 anglaise), dont une des chansons dit: “Personne ne nous aime, nous ne nous en soucions pas”. Israël est incontestablement le Millwall des affaires mondiales, détesté par presque tous les Occidentaux qui se considèrent comme honnêtes et qui ont adopté un cri du cœur commun. Un gars portant une kippa au Mur occidental explique: “L’Europe ne nous aime pas. Les Américains ne nous aiment pas. Nous pouvons vivre avec “. Il résume un sentiment que j’entends partout dans le pays. Si vous étiez en Iran ou en Corée du Nord, pays situés au sommet du classement des Etats voyous par la communauté internationale , vous ne sourcilleriez pas quand un citoyen exprime son mécontentement envers les méchants de l’Ouest. Mais Israël ? Ce petit pays a été pendant si longtemps le meilleur ami de l’Occident au Moyen-Orient, un brillant avant-poste démocratique dans un désert autocratique. Entendre les Israéliens mal parler de l’Ouest, les voir lever les yeux au ciel à chaque mention de l’Organisation des Nations Unies ou de l’Union européenne, procure un sentiment étrange.

Où que j’aille, les gens se demandent à voix haute pourquoi l’Occident, en particulier les bobos européens, les déteste tellement. Israël est traité comme un “Etat paria”, explique Uri Dromi, directeur exécutif du Jerusalem Press Club et ancien porte-parole des gouvernements Yitzhak Rabin et Shimon Peres. Il dit :”L’Europe ne nous aime pas” et je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu dire ça. Dromi a une théorie saisissante sur la raison pour laquelle nos gouvernements sont maintenant si dédaigneux envers son “petit pays de merde” (vous souvenez-vous de ce diplomate français en 2001?). C’est parce que, dit-il, l’Europe a connu une hausse de l’immigration musulmane qui l’ oblige à adopter des postures contre Israël dans le but de “calmer les nouveaux arrivants”.

Au Commandement Nord des Forces de défense d’Israël, un commandant qui supervise les frontières d’Israël avec la Syrie et le Liban pouffe de façon audible, et un peu tristement, chaque fois que l’ONU est mentionnée. Il me raconte qu’Israël a rapatrié 800 blessés Syriens au cours des deux dernières années, pour les soigner dans les hôpitaux israéliens, avant de les renvoyer en Syrie avec des médicaments ne portant aucune mention en hébreu, de peur qu’un djihadiste ne le voie et devienne très violent. Mais il dit tout cela avec un regard triste qui signifie: “Je sais que vous n’allez pas en parler. Vous ne le faites jamais.”

Un haut responsable israélien confirme l’antisémitisme occidental. Au cours d’un déjeuner à Tel-Aviv, il explique que de trop nombreux Occidentaux soumettent aujourd’hui, l’Etat juif à un standard qu’ils n’appliquent à personne d’autre. “C’est du sectarisme, rien d’autre.” Et de plus en plus, ce ne sont pas seulement des gauchistes à la mode avec des posters d’Arafat dans leurs chambres et des keffieh autour du cou qui font la promotion du boycott contre Israël. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a menacé de ” boycott et d’autres sortes de choses” si Israël ne s’engage pas ouvertement dans de nouveaux pourparlers de paix. Ici en Israël, il est maintenant accusé de chantage, et même de faciliter involontairement l’antisémitisme.

Aucun doute que ceux qui ont un problème avec les Juifs mettront toutes ces paroles sur le compte de la paranoïa. Après tout, Israël est toujours aidé par les Etats-Unis à hauteur de 3 milliards de dollars par an, et il entretient des relations diplomatiques avec tous les gouvernements occidentaux. Pourtant, ces continuités extérieures de la relation occidentale officielle avec Israël cachent d’énormes variations dans le sentiment de l’Occident.

L’année dernière, une enquête mondiale du BBC World Service a constaté qu’Israël était la quatrième nation la plus “négativement vue” dans le monde, après l’Iran, le Pakistan et la Corée du Nord. Dans un seul pays occidental, à savoir les Etats-Unis, une majorité a exprimé des opinions favorables à Israël, et même là, elle n’était que de 51 %, voilà pour la théorie selon laquelle les États-Unis seraient soumis à certains lobbys israéliens rampant. A l’extérieur des nations de l’Union Européenne, la Grande-Bretagne exprime l’opinion la plus défavorable: 72 % des Britanniques interrogés avaient un avis négatif sur Israël, plus que dans le foyer de populisme anti-sionisme qu’est la France (63 %), et beaucoup plus que dans le pays où la Shoah s’est déroulée, la Pologne (44 %).

Israël est un État voyou pour le politiquement correct. C’est l’état qu’il est à la mode de détester. Mais pourquoi ? Les détracteurs d’Israël diront: “Enfin ! C’est à cause de ses frasques militaires”, mais cela ne tient pas debout. Le militarisme actuel d’Israël est largement plus faible qu’il ne l’était pendant la guerre des Six-Jours de 1967, et à l’époque la plupart des Occidentaux, y compris l’extrême gauche, ont soutenu le projet sioniste. L’explication la plus intéressante que j’ai entendu pour l’impopularité d’Israël parmi les bobos vient de Richard Pater, un analyste politique de Radlett qui a vécu en Israël durant les 15 dernières années : “La leçon que beaucoup en Occident ont tiré de la Shoah est que le nationalisme est mauvais; le message que les Juifs en ont tiré est que le nationalisme est nécessaire”.

Voilà le cœur du mépris actuellement à la mode envers le petit Israël. Ce que beaucoup d’Occidentaux semblent trouver le plus nauséabond est le fait qu’Israël est suffisant, sûr et déterminé à préserver ses droits nationaux souverains envers et contre tous. En bref, cela ressemble beaucoup à ce que les européens avaient l’habitude d’être avant le relativisme et l’anti-modernisme. Je pense qu’Israël nous rappelle ce que nous étions il y a peu de temps, avant l’Union Européenne, avant la journée de l’écologie, quand nous aussi croyions encore aux frontières, à la souveraineté, au progrès et à la croissance.

Maintenant qu’il est de rigueur dans les sections bien-pensantes de la société occidentale d’être post-nationaliste et multiculturel, d’être à la mode en n’étant pas certain de son identité nationale, la vue d’un Etat aux frontières fortifiées nous offense et nous outrage. Dans les mots de George Gilder, auteur de ” The Israel Test “, Israël est maintenant plus détesté pour ses vertus que pour ses vices politiques ou militaristes. Il est détesté pour être resté fidèle à la “liberté et au capitalisme” alors que nous sommes tous censés mépriser de telles choses.

Si Israël a été officieusement transformé en Etat paria, ce n’est pas en raison de son étrangeté, ou même nécessairement de sa judéité, mais plutôt parce qu’il est trop occidental à notre goût. Nous le détestons parce que nous nous détestons nous-mêmes.

Source : Brendan O’Neill, The Spectator


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