La cour suprême d’Israël abroge la loi anti-infiltration

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La cour suprême d’Israël a tranché et vient d’invalider à l’unanimité une loi portant sur la détention provisoire d’immigrants illégaux pendant trois ans, jugeant que la mesure proposée n’est pas la plus adéquate pour résoudre les problèmes de clandestinité, rencontrés dans de nombreux pays occidentaux, notamment en France avec la question des Roms ou bien encore aux Etats-Unis sur l’immigration mexicaine clandestine.

Ce sont quelque deux-mille migrants illégaux originaires d’Afrique qui pourraient être libérés dans les prochains mois. Ils sont pour la plupart mineurs et détenus actuellement dans des centres du sud du pays.

Cette décision marque un tournant dans l’opinion israélienne très partagée sur la gestion de ces milliers de migrants clandestins qui sont arrivés principalement du Soudan et d’Erythrée au cours de la dernière décennie et se sont installés dans les villes israéliennes comme Tel -Aviv.

Pour des raisons de sécurité nationale, une barrière de sécurité a été érigée le long de la frontière égyptienne pour stopper les flux migratoires illégaux. Le gouvernement du premier ministre Benjamin Netanyahu demande également de l’aide aux pays africains et penche sur des accords.

Comme souvent dans le passé, la cour suprême d’Israël, très sensibilisée par les questions de droits humains, s’est opposée à cette loi anti-infiltration votée par la Knesset en 2012. La juge Edna Arbel a écrit dans son rapport : ” Nous ne pouvons pas nier les droits élémentaires et fondamentaux de la dignité humaine et de la liberté qui sont la base des valeurs d’Israël en tant qu’Etat juif et Etat démocratique dans le cadre de la résolution de problèmes qui nécessite une solution diplomatique et systématique appropriée “.

La Cour suprême a donné quatre-vingt-dix jours pour libérer les immigrants en vertu de la loi d’entrée en Israël, qui interdit la détention prolongée. La loi “anti-infiltration” d’Israël a été adoptée dans les années 1950 pour empêcher le retour des réfugiés palestiniens de la guerre israélo-arabe de 1948 et pour contrôler les infiltrés des guérillas dans les pays arabes voisins. M. Netanyahu a déclaré que le gouvernement respectait pleinement la décision de la haute cour de justice et a promis de trouver d’autres moyens pour stopper les entrées illégales d’Africains et leur proposer des aides de rapatriement.

Estimé à environ soixante-mille, la communauté de migrants clandestins africains a suscité des frictions et occasionné des violences avec les habitants des quartiers ouvriers.

Ces nouveaux arrivants apprennent des métiers qu’occupent souvent les Juifs éthiopiens et saisissent les mêmes opportunités de travail qu’eux. Pour rappel, les Juifs éthiopiens sont arrivés en Israël au cours d’une vague d’immigration légale, qui avait pour but de rapatrier tous les juifs isolés dans les enclaves du monde entier.

Pour Miri Regev, un député israélien du Likoud de M. Netanyahu, cette décision ne prend malheureusement pas en compte toutes les difficultés rencontrées sur le terrain comme celle de l’insécurité. Dans sa délibération, la haute cour de justice a donné carte blanche au phénomène des infiltrés.

La construction d’une nouvelle clôture à la frontière avec l’Egypte a pratiquement coupé le flux de milliers de migrants. Israël a également accompagné environ trois mille cinq cent Africains à regagner leur maison ou à se rendre vers d’autres pays du continent.

Ces derniers mois, la presse israélienne a rapporté que l’Ouganda serait prêt à accueillir des migrants, mais le gouvernement ougandais n’a pour le moment pas confirmé cette information.

Un grand nombre d’Israéliens estiment que l’Etat devrait aider dignement et intégrer ceux qui fuient les persécutions. De nombreuses voix s’élèvent pour rappeler l’histoire du peuple juif. Pogroms, racisme et réfugiés sont des thèmes centraux dans la mémoire collective du peuple juif.

“Nous accueillons avec satisfaction la décision de la Cour Suprême. Nous espérons que l’état agira en faveur de la libération prochaine des deux-mille personnes encore en détention”, a déclaré Ran Cohen, un porte-parole de la branche israélienne des docteurs de l’ONG “Human Right”.

Ils espèrent aussi que l’Etat continuera à offrir des soins réguliers aux migrants et accompagneront tous ceux qui se réclament d’un statut de réfugié à s’intégrer pleinement dans la société israélienne.

“Bien sûr, c’est bien, mais qu’est-ce que cela va changer pour nous?” se demande Walta Tesfai, un Erythréen de trente ans, qui a vécu en Israël pendant trois ans et demi après avoir franchi illégalement la péninsule égyptienne du Sinaï pour entrer dans le pays.

Les réfugiés font face aux mêmes problématiques dans de nombreux pays : ils sont parfois en détention, séparés de leur famille, éprouvent des difficultés pour gagner leur vie et envoyer de l’argent à leurs proches.

Malgré cela, les migrants Africains à Tel-Aviv, dont la plupart sont des demandeurs d’asile, accueillent avec réserve cette décision mais restent optimistes quant à leur avenir.

Source : Joshua MITNICK and Joel MILLMAN, The Wall Street Journal, le 17/9/13

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