La qualification de la branche armée du Hezbollah comme organisation terroriste: décision européenne et soutien de la France

Le 22 juillet 2013, les Ministres des Affaires Etrangères du Conseil de l’UE ont décidé à l’unanimité d’ajouter la branche militaire du Hezbollah à la liste des organisations terroristes. En vertu de l’accord officiellement conclu, le dialogue avec les partis politiques libanais devra être maintenu. Les 28 Etats-membres de l’UE se sont également mis d’accord sur le fait que l’aide financière légitime qu’ils accordent au Liban ne serait pas affectée. La décision sera revue dans 6 mois, ce qui est le délai normal pour réviser ou non une telle position dans ce domaine (décision prise par Catherine Ashton, Haut Représentant pour la politique de Sécurité et des Affaires Etrangères de l’UE , dans un document A395/13 du 22 juillet 2013) [1].

D’après les média, une telle prise de décision par les 28 Etats-membres de l’UE entraîne non seulement un gel des avoirs, mais aussi une interdiction du visa d’entrée pour les personnes concernées, c’est-à-dire,  inscrites sur la liste de la branche armée du Hezbollah et partant, considérées comme des terroristes.

Inscrire  la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes a été décidée suite à d’intenses négociations et réunions diplomatiques pour convaincre les ministres des Affaires Etrangères de l’UE.  Le New York Times précise que c’est la Grande-Bretagne qui a mené avec succès  cette négociation  d’une part, suite à l’attaque terroriste de Burgas, en Bulgarie qui a eu lieu en juillet 2012 et a tué 6 civils, principalement, des touristes  et d’autre part, après la tentative d’attentat préparée par le Hezbollah sur l’ïle de Chypre (en février 2013) . La volonté  de l’UE de désigner le Hezbollah comme organisation terroriste  a été récemment renforcée  après l’envoi par  le Hezbollah de renforts  pour soutenir le régime d’Assad en Syrie , dans sa guerre contre l’opposition.(New-York Times, 22 juillet 2013) [2]. Le ministre de l’intérieur bulgare, Tsvetlin Yovchev a apporté une contribution majeure en affirmant qu’il « existe des preuves significatives que le Hezbollah est derrière l’attentat de Burgas ».[ 3]

Depuis 30 ans, le Hezbollah a systématiquement et méthodiquement mené des attaques terroristes au Moyen-Orient et dans le monde entier. Dans la plupart des cas, le Hezbollah n’a jamais revendiqué ces attaques, même si parfois, il se cachait derrière des organisations fictives  qui les reconnaissaient  ou simplement niaient  toute implication, ceci dans le but de se protéger  et pour éviter que l’Iran et lui-même ne soient pris pour cibles en cas de représailles. Cependant, la nature des opérations menées par le Hezbollah ces trente dernières années a donné lieu à de nombreuses recherches et articles rédigés, tant par des professeurs d’universités, que par des experts du renseignement  fiables  qui confirment tous le caractère terroriste du Hezbollah  et son rôle de mandataire privilégié auprès de l’Iran , pays  considéré comme l’exportateur numéro 1 du terrorisme dans le monde. Pour mener à bien ces opérations, le Hezbollah a établi un dispositif dédié appelé « l’Unité pour les Opérations à l’étranger ». Hassan Nasrallah est le principal commanditaire de ces opérations et son accord est nécessaire pour lancer des attaques à l’étranger.

La distinction artificielle entre la branche armée et le parti politique du Hezbollah

La décision de l’UE distingue la branche militaire et le parti politique du Hezbollah (contrairement aux Etats-Unis, qui a depuis 1995, désigné le Hezbollah dans son ensemble comme un mouvement terroriste). Mais, cette distinction est en réalité artificielle et n’existe pas (même les anciens leaders du Hezbollah ont affirmé qu’ils ne faisaient pas la différence  entre la branche militaire et le parti politique).En effet, ces deux entités sont dirigées par Nasrallah et sont liées l’une à l’autre : ainsi, la branche armée du mouvement se renforce en intervenant dans les affaires intérieures du Liban , tandis que le parti, par ses activités sociales et politiques,  accroît son infrastructure militaire et terroriste.

Idéologiquement, le Hezbollah remplit les conditions d’une organisation terroriste et par conséquent, colle à la définition de celle-ci. Il fait un usage volontaire de la violence contre les civils, dans le but de remplir des objectifs politiques et le djhad ( la prétendue  « résistance ») est une idée centrale dans son idéologie. L’un de ses principes fondateurs est d’une part, la légitimité du terrorisme, sanctionné par l’Iran, d’autre part, la campagne terroriste incessante et déterminée pour la  prétendue  « libération de Jérusalem » et enfin, la destruction de l’Etat d’Israël . Un autre principe fondateur réside dans sa profonde et constante haine des Etats-Unis( le « Grand Satan) et de l’Occident en général. Cela se manifeste dans son soutien aux attaques terroristes à l’étranger et son implication à combattre en Syrie.

En France, le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, qui jusqu’alors était opposé à toutes mesures contre le Hezbollah, a toutefois déclaré que « Le Hezbollah non seulement s’est engagé pleinement en Syrie mais a aussi revendiqué son engagement.  [7]

Premières réponses à la prise de décision de l’UE :

 

Israël

Israël a applaudi cette décision.

1) Le Premier Ministre Benyamin Netanyahu a salué cette décision et a remercié les dirigeants des Etats-membre . Il a dit que “depuis des années , l’Etat d’Israël  s’est efforcé d’expliquer aux Etats-membres de l’UE que le Hezbollah est le bras armé terroriste du régime iranien et qu’il commet des attaques partout dans le monde [5].

2) Le Président israélien Shimon Pérès a envoyé une lettre aux dirigeants de l’UE, dans laquelle il a favorablement accueilli la décision de l’Union, appelant à “une avancée significative vers la fin de la diffusion du terrorisme dans le monde”.  [6].

3) Le Ministre de la Défense Yaalon a, quant à lui, précisé que la décision de l’UE permettrait de faire progresser la lutte contre le Hezbollah et qu’il serait ainsi possible de renforcer les services de renseignements  entre les différents  pays (Israël Reshet Bet Radio, 22 juillet 2013).

 

Le Hezbollah

Il a rejeté toute allégation le concernant et le qualifiant de mouvement terroriste et a, au contraire, accusé l’UE de capituler face au dictat des Américains et des Sionistes :

1) Le Hezbollah a annoncé que l’organisation rejetait la décision de l’UE, prétendant qu’elle était hostile et injustifiée et surtout, fondée sur aucune preuve. Selon lui, cette décision est le résultat d’une capitulation de l’UE face à la pression des Etats-Unis et d’Israël et qu’il était écrit par « un Américain sous la dictée du parti sioniste». De plus, d’après le Hezbollah,  la décision ne reflète pas les intérêts des peuples en Europe ni leurs valeurs qui sont  fondés sur l’indépendance et la liberté (Al Manar, 22 juillet 2013).

2) D’après les medias du Hezbollah, “de l’encre a été gaspillée pour rédiger et prendre cette décision” (Al Manar, 22 juillet 2013) et c’est une vengeance de l’Europe et l’Amérique Sionistes contre le Hezbollah.

 

L’Iran

L’Iran a critiqué la décision de l’UE. Un porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères en Iran a tenu une conférence de presse dans laquelle il a dénoncé « la décision étrange et inconsidérée »de l’UE, qui a servi les intérêts d’Israël et qui ne ferait qu’aggraver la situation au Moyen-Orient. En plus de cela, ajoute-t-il , cela ne changerait pas l’identité du Hezbollah comme « organisation populaire éprise de justice » (Agence France Presse, 23 juillet 2013).

 

La position française

On pensait au départ qu’il était peu probable que la France soutienne l’UE dans sa décision de qualifier le Hezbollah comme organisation terroriste. Elle craignait en effet,  que cela ne déstabilise le Liban où « ce mouvement joue un rôle majeur » et par peur des représailles de la FINUL (Force des Nations Unies au Sud du Liban au sein de laquelle on compte un contingent de 900 militaires français).  (Le Parisien, 22 mai 2013)

Cependant, au regard des attentats commis à Burgas (Bulgarie en juillet 2012) et à Chypre en février 2013, la France a changé d’avis. Le Président de la République François Hollande, a,  lors d’un dîner du Crif en mars dernier, précisé que « les autorités bulgares ont dit qu’elles avaient la preuve de l’implication des membres du Hezbollah dans l’attentat odieux de Burgas qui a visé des touristes israéliens  en juillet 2012. L’Europe doit donc en tirer toutes les conclusions ».

L’ancien Président  de la République, Nicolas Sarkozy, avait en ce qui le concerne, déjà affirmé le 22 mai 2013, lors d’une allocution à l’Université de Natanya que « le Hezbollah doit être inscrit sur la liste des organisations terroristes ».

De même, l’actuel Ministre des Affaires Etrangères français, Laurent Fabius, a proposé d’inscrire la branche armée du Hezbollah parmi les groupes terroristes de l’UE. Il a annoncé cette décision à Amman (Jordanie), lors d’une conférence « des Amis du peuple syrien » :  «Compte tenu des décisions qu’a prises le Hezbollah et le fait qu’il a combattu très durement la population syrienne, je confirme que la France proposera d’inscrire la branche militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’UE » ( Le Parisien, 22 mai 2013).

Monsieur Fabius a, de plus, précisé que le Liban était au courant de la position de la France : « c’est un point que le Liban connaît ».

 

Premières conséquences possibles de cette décision

Selon nos estimations, la décision de l’UE pourrait avoir une influence concrète concernant la lutte contre le Hezbollah comme organe du terrorisme international. Car même si la décision n’est pas parfaite, cela rend le caractère terroriste du Hezbollah plus patent et fournit aux gouvernements et aux autorités judiciaires de meilleurs moyens pour faire face à cette organisation en matière de prévention, de renseignements, de politique et pour les questions économiques et judiciaires. Cela peut permettre  de faciliter le travail des tribunaux pour limiter l’entrée des activistes du Hezbollah dans l’Espace Européen,  de maintenir en détention les activistes déjà présents et de rendre plus efficace la coopération des services secrets afin de les amener devant les tribunaux. Cela rendra également plus difficile le transfert de fonds servant à financer les activités occultes et criminelles du Hezbollah.

En outre, la décision de l’UE pourrait amoindrir la légitimité du Hezbollah au Liban et limiter son champ d’action, particulièrement en cette période sensible où la réprobation publique vis-à-vis du Hezbollah augmente, du fait de son implication dans la guerre civile en Syrie. Les opposants du Hezbollah au Liban, en particulier les sunnites et une grande partie du mouvement chrétien, peuvent s’attendre à avoir plus de poids en qualifiant  le Hezbollah d’organisation terroriste et que  plus d’efforts soient faits  pour démanteler la vaste infrastructure militaro-terroriste qu’il a construite au Liban, grâce au soutien des Libanais et des Syriens. Revendiquer une quelconque participation du Hezbollah  au gouvernement pourrait affaiblir  le Liban et le qualifier comme état sponsorisant une organisation terroriste.

Concernant la Syrie et le soutien du parti militaire libanais aux crimes commis par le parti de Bachar Al –Assad, le Ministre des Affaires Etrangères français a, dans sa déclaration officielle de politique étrangère du 27 Septembre 2013, réitéré son soutien au Liban, mais montré son opposition à l’usage d’armes chimiques en Syrie et aux crimes qui y sont perpétrés. Au point 2.Q.R  de son allocution, on peut citer par exemple :

Il y  a également réitéré le soutien de la France au Liban : «  Vous savez l’attachement qu’a la France pour le Liban. »

 

[1] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/EN/foraff/138309.pdf

[2] http://www.nytimes.com/2013/07/23/world/middleeast/european-union-adds-hezbollah-wing-to-terror-list.html

[3] http://www.reuters.com/article/2013/07/18/us-bulgaria-hezbollah-idUSBRE96H0XI20130718

[4]Pour plus d’informations concernant la désignation du Hezbollah comme une organisation terroriste , et un sondage des attaques terrorists qu’il a perpétrées, lisez le document issu du Centre d’Information pour le Terrorisme du 29 novembre 2012 , communiqué” Hezbollah, portrait d’une organisation terroriste : http://www.terrorism-info.org.il/en/article/20436

[5] http://www.pmo.gov.il/English/MediaCenter/Spokesman/Pages/spokeuro220713.aspx

[6] http://www.president.gov.il/English/Presidential_Activities/Press_Releases/Pages/news_220713_04.aspx

[7] : http://www.leparisien.fr/international/la-france-classe-la-branche-armee-du-hezbollah-parmi-les-groupes-terroristes-22-05-2013-2825691.php

Source : Centre d’Information sur les renseignements et le terrorisme Méir Amit, le 23/6/13


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