Un kibboutz en Corrèze

NAZARETH

NAZARETH

Le dimanche 23 juin 2013, l’association France-Israël du Cher s’est associée à l’hommage rendu au village de Jugeals-Nazareth, en Corrèze. Cette paisible localité du Limousin accueillit, entre 1933 et 1935, l’une des trois fermes-écoles ouvertes en France devant servir de point de départ de la montée en Israël de Juifs issus d’Allemagne, d’Autriche, de Russie et de Pologne.

Nazareth, un nom prédestiné. De retour de Terre Sainte, des croisés trouvèrent une similitude entre la Galilée et leur causse de Corrèze. C’est ainsi qu’il baptisèrent leur village : Nazareth. C’est en ce même lieu que fut ouvert, en décembre 1933, une ferme-école fonctionnant sur le mode du kibboutz. Dénommé MACHAR (“demain” en hébreu), ce kibboutz se voulait un tremplin pour l’Aliyah vers la Terre historique du peuple Juif, afin de préparer l’avènement du futur Etat d’Israël.

Avec l’arrivée au pouvoir du régime nazi en Allemagne, en janvier 1933, la politique antisémite des autorités polonaises, de même que celle de la récente Union Soviétique, le comité national de secours, organisation israélite, convainc les autorités françaises de faire de la France une terre de refuge et de transit pour les Juifs en partance pour la Palestine. Il s’agit de répondre à l’afflux d’immigrés victimes de l’antisémitisme en Europe.

A cette fin, le comité négocie la location d’une soixantaine d’hectare sur la commune de Jugeals-Nazareth. Le comité s’appuie sur Hehaloutz, une organisation sioniste, pour enseigner aux futurs élèves les bases de l’agriculture, ainsi que l’hébreu, afin de pouvoir partir s’installer dans les kibboutz d’Israël.

De décembre 1933 à avril 1935, plus d’une centaine de jeunes se succède au kibboutz MACHAR. Ils vivent dans conditions précaires. L’été, quand l’eau du puits vient à manquer ils parcourent des kilomètres pour remplir des seaux à une source, au bas d’un ravin. Ils deviennent rapidement familiers aux habitants de la région auxquels ils vendent les produits de la ferme sur les marchés et en fréquentant les bals, en fin de semaine.

Leur mode de vie, typiquement kibboutznik, ne manque pas toutefois d’étonner les corréziens de ce début des années trente. En particulier, “les filles en short” travaillant comme les garçons ne correspond pas aux traditions rurales de ce temps. Ce sont cependant des considérations moins folkloriques et plus politiques qui vont entraîner la fin de cette expérience du Kibboutz en France.

L’afflux de réfugiés allemand, dès 1933, fait en effet craindre une concurrence pour la main-d’oeuvre nationale. De plus, l’orientation politique de gauche de ces réfugiés est perçue comme un danger pour la sûreté nationale. La France réduit son accueil de réfugiés à partir du mois d’octobre de la même année. Si la sûreté autorise l’établissement de cartes d’identité pour les réfugiés allemands, elle considèrent que les autres peuvent rentrer librement dans leur pays d’origine. Or nombre de ces jeune gens se trouvent être des apatrides.

Le sous-préfet va se livrer à un véritablement acharnement contre les résidents du Kibboutz de Jugeals-Nazareth. Les gendarmes sont dépêchés plusieurs fois par semaine, afin de contrôler leur situation aux regards des lois sur le séjour des étrangers.Multipliant les rapports de basse police, le Ministère de l’Intérieur décide, en février 1935, de dissoudre cette communauté agricole dans un délai d’un mois. Les démarches du sénateur corrézien Henri de Jouvenel seront sans effets. A la mi-avril 1935, le Kibboutz MACHAR annonce sa dissolution.

Malgré sa brève existence, le kibboutz MACHAR a permis à plus d’une centaine de Juifs d’Europe d’échapper aux persécutions antisémites. C’est la raison pour laquelle Jean-Michel DELPEUCH, vice-président de France-Israël Limousin, son Président, André COHIGNAC, l’association “Hommage aux Villages de France”, accompagnés par le maire de la commune de Jugeals-Nazareth, le Comité corrézien du Souvenir Français, et l’Ambassade d’Israël en France, ont tenu à rappeler cette histoire qui relie la France et Israël en inaugurant une stèle et une plaque commémorative.

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